Un des pires cauchemars que vous pourriez vivre, c'est d'être la proie d'une situation horrifique, sans absolument rien comprendre à ce qui vous arrive. C'est un peu dans cette situation que se trouvent les personnages de A walk through hell, une promenade en enfer, dont le volume 2 vient de sortir chez Black River. Pour rappel, plusieurs agents du FBI ont disparu mystérieusement alors qu'ils étaient en train d'inspecter un entrepôt. Les agents Shaw et McGregor entre eux aussi dans ces lieux funestes pour essayer d'expliquer ce qui s'est produit et retrouver leurs collègues, mais eux aussi finissent par se perdre dans un dédale aussi absurde que terrifiant. En parallèle, l'histoire nous raconte l'enquête qui les a menés sur la piste de Paul Carnahan, un tueur d'enfant qu'ils ont pourchassé et qui est censé être mort et enterré depuis longtemps. Sauf que dans le labyrinthe invraisemblable que constitue cette entrepôt maudit, ils finissent par retrouver le type, qui entreprend de leur raconter son histoire farcie de détails sordides, comme par exemple l'assassinat de ses propres parents lorsqu'il était encore enfant, quand il s'est jeté sur la jugulaire de son père avec un couteau, pour la trancher. En parallèle à tout cela, Garth Ennis continue de dresser un portrait au vitriol de ce qu'est devenue aujourd'hui l'Amérique, depuis la présidente Trump et la manière dont les esprits sont désormais contaminés par une sorte de folie ambiante, de course à la haine permanente, notamment sur les réseaux sociaux, où il s'agit de lyncher l'adversaire sans même essayer de comprendre sa position. Un discours sociétal qui vient donc parfois empiéter sur l'histoire au risque de créer un peu de confusion et de perdre le lecteur, qui ne sait pas trop ce qu'il est en train de lire. L'exercice est périlleux et c'est peut-être là que réside la faille, ou bien selon les opinions, le génie de cette histoire, qui apparaît vraiment comme hors du commun et qui en tous les cas nécessite une lecture attentive.
Le second volume représente une plongée dans l'horreur et dans l'abject bien plus impressionnante que le premier. Il faut dire qu'ici il est question des recoins les plus sombres de la psyché humaine. Les agents du FBI qui sont entrés dans l'entrepôt ont tous de lourds secrets, des moments où leur existence a basculé, où ils ont connu le pire de l'humanité. Tout cela est mis en lumière par Garth Ennis avec des scènes très choquantes. C'est intéressant d'ailleurs, dans la mesure où nous vivons actuellement une époque où un artiste peut-être condamné pour ce qu'il produit, en tous les cas au moins par l'opinion publique et les réseaux sociaux, comme nous venons de le voir avec Bastien Vivès. Il n'est pas question pour nous de juger car nous n'en avons ni les moyens ni la compétence, mais que dire de certaines scènes totalement glaçantes présentes ici? Devrait-on interdire ce genre de bande dessinée, au prétexte que pour représenter tout cela il faudrait avoir forcément l'esprit mal tourné et être soi-même le prolongement de ce qu'on dessine ou que l'on écrit? Heureusement qu'il existe ce décalage entre l'œuvre de fiction et la réalité, car ici, je vous assure, il y a vraiment des choses très perturbantes. Le dessin de Goran Sudzuka reste lui d'une simplicité apparente remarquable; aussi bien la mise en page que le trait, somme toute classique mais efficace, sont au service de l'histoire. Bref, tout sauf des rodomontades personnelles propres au dessinateur qui aurait décidé d'en faire des caisses, pour attirer tous les regards. Le seul petit moment sur lequel on peut émettre des doutes, au final, c'est lorsque l'histoire bascule dans la métaphysique, l'ésotérique et le côté démoniaque. Tout ceci s'accompagne d'un discours à charge sur la présidence Trump et ce qu'est devenue l'Amérique, qui pourrait bien plaire énormément à pas mal de lecteurs, mais faire fuir radicalement les autres, déroutés devant des opinions politiques et sociétales aussi tranchées et un parti pris aussi net. C'est pourtant là que réside l'intérêt de A walk through hell, à savoir la volonté de contempler ce qui existe de pire en nous (par nous j'entends aujourd'hui la société américaine et occidentale) sans la moindre complaisance, au contraire en appuyant là où ça fait mal, encore et encore. Une de ces lectures qui décidément ont peu de chance de vous laisser de marbre (y compris si vous repérez vite les fautes de syntaxe et d'orthographe, qui sont malheureusement trop nombreuses dans ce second tome, la relecture ayant failli à plusieurs reprises).