L'HISTOIRE D'UN VILAIN RAT : UNE OEUVRE FONDAMENTALE DE BRYAN TALBOT


 Bryan Talbot est un immense auteur, dont le talent protéiforme ne cesse de surprendre à chaque nouvelle œuvre (re)publiée. Avec Delirium, vous aurez peut-être l'occasion de (re)découvrir l'une de ses créations fondamentales, L'histoire d'un vilain rat, apparue à la fin des années 1990. Ce récit met en scène la fugue d'une jeune fille prénommée Helen, qui décide de quitter son foyer pour des raisons précises et, hélas, tristement répandues. La jeune fille subit régulièrement les agressions sexuelles de son père, tandis que sa mère choisit de détourner les yeux. Cette dernière va jusqu'à ignorer totalement sa fille et semble même regretter sa naissance. Dans ce contexte toxique, Helen porte depuis des années un sentiment de culpabilité écrasant, persuadée que tout ce qui lui arrive est de sa faute. Elle se sent également inadéquate, incapable de répondre aux attentes des autres. C'est là l'une des cruautés les plus profondes dans ce genre de situation : les victimes en viennent à croire qu'elles sont responsables de leur propre souffrance. Puis survient un événement de trop, une agression qui fait déborder le vase. Encore adolescente, mais forcée de mûrir précipitamment, Helen décide de fuir. Elle part seule, emportant avec elle un compagnon insolite : un rat qu'elle a recueilli et qu'elle garde précieusement dans son blouson. Cet animal, qu'elle protège et dont elle connaît tout après s'être passionnée pour ces créatures mal aimées, devient son fidèle allié. Ce lien singulier semble traduire une forme d’identification : Hélène se reconnaît dans ces rongeurs méprisés, que l'on qualifie souvent de nuisibles ou de parasites, mais qui cachent en réalité des qualités insoupçonnées. Helen est aussi fascinée par les œuvres de Beatrix Potter, une artiste britannique dont les récits et dessins lui servent de refuge. À travers le parcours chaotique mais finalement brillant de cette auteure, elle trouve un espoir : la certitude qu'il est possible de surmonter les pires épreuves, de construire quelque chose de beau même dans l'obscurité la plus totale, même lorsque tout semble voué à l’échec. Les premiers jours d'Helen à Londres sont cependant éprouvants. La météo hostile et les abris de fortune rendent son quotidien cauchemardesque. Pire encore, certains hommes qu’elle croise, qui semblent d’abord vouloir l’aider, cachent des intentions troubles. Ces rencontres lui rappellent douloureusement pourquoi elle a dû fuir son foyer dans la précipitation.



Et c’est ainsi qu’Helen, la jeune fugueuse, marche sur les traces de son auteure préférée et traverse une série d’aventures et de rencontres oscillant entre le tragique et un regain d’espoir en l’humanité. La période passée dans la rue est évidemment la plus difficile : pour survivre, il lui faut parfois accepter des compromis. Ainsi, elle se retrouve impliquée, malgré elle, dans un vol, ou encore accueillie par une bande d’amis qui vivent dans un squat. Là, elle fait une rencontre touchante : celle d’un jeune musicien un peu perdu, mais convaincu (justement) que la gloire l’attend au tournant.
 Cependant, Helen n’est pas prête à s’ouvrir aux autres, encore moins à tolérer qu’on la touche ou qu’on lui témoigne de l’affection, même avec les meilleures intentions. Ce refus est typique des victimes, souvent submergées par une culpabilité qui les empêche d’accepter l’intérêt sincère et respectueux que les autres peuvent leur porter. Après avoir décidé de faire de l’auto-stop vers le Nord de l'Angleterre, Hélène finit par atteindre le village où résidait Potter. Elle y fait une rencontre décisive avec un couple d’aubergistes qui lui offrent du travail. Grâce à eux, elle comprend peu à peu qu’il est possible de s’ouvrir aux autres, que le mal ne se cache pas partout, et surtout qu’il n’y a aucune honte à être une victime. Ce nouveau départ lui permet de libérer ses émotions et de poser les premières pierres d’une lente reconstruction. La fin de l’album offre une véritable catharsis, aussi salvatrice qu’une bonne séance de psychothérapie. Bryan Talbot dirige son récit avec une intelligence et une humanité remarquables. Touchant et profondément juste, le récit évite habilement toute sensation de voyeurisme ou de spectaculaire malvenu. Le dessin, en parfaite harmonie avec le ton de l’histoire, s’adapte brillamment pour livrer des planches d’une sincérité rare. On suit de près l’évolution de cette fugueuse au destin cabossé. Mais cet album n’est pas qu’une simple bande dessinée : c’est aussi une œuvre d’utilité publique, reconnue comme telle. La bonne nouvelle pour les festivaliers d’Angoulême 2025, c’est qu’ils pourront découvrir cette nouvelle édition en avant-première, dédicacée par Bryan Talbot en personne, au stand de Delirium. Un espace où il faudra absolument s’arrêter dans les prochains jours !



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