BIG GAME : LE CROSSOVER DE MARK MILLAR ET PEPE LARRAZ


 Et puis, vint le jour où Mark Millar décida d'employer la bonne vieille méthode, celle qui est devenu une recette traditionnelle, voire même éculée chez les grands éditeurs de comic books : le crossover. Il faut dire que les séries à succès se sont accumulées et que la tentation de faire interagir tous les personnages de son Millarworld était devenu particulièrement grande. Depuis Wanted (sa toute première production personnelle, où il était question d'une révélation surprenante : le monde a autrefois connu un âge des super-héros mais tous les justiciers ont été éliminés par une organisation criminelle, aujourd'hui incarné par Wesley Gibson) jusqu'au tout récent The Ambassadors (où il était question d'attribuer des supers pouvoirs artificiels et disponible pratiquement sur catalogue, à une série d'individus choisis dans chaque principale nation du monde) Mark Millar a toujours eu le don de percevoir ce qui traversent l'imaginaire collectif et infuse dans notre société, pour en faire des blockbusters chargés en adrénaline, où on ne s'ennuie jamais. Certains trouvent que ces œuvres sont un peu faciles et superficielles, la plupart les dévorent et en apprécient systématiquement l'entertainment indéniable et efficace, caractéristique de tout ce qu'il entreprend. Nous revoici donc avec le dénommé Wesley, qui s'inquiète de la résurgence de ces héros autrefois exterminés. On en aperçoit partout et il va bien falloir s'en débarrasser à nouveau. L'individu idéal pour cette basse besogne, c'est Nemesis, qui vient de faire son grand retour l'an dernier dans l'univers de Mark Millar. Un tueur sans foi ni loi, qui va être bien utile pour mettre à mal la communauté super-héroïque. Attention, ça va défourailler sans pitié. 



Bien évidemment, un des points saillants de ce crossover c'est la manière dont toutes les séries écrites par Mark Millar vont finalement être présentées aux lecteurs. Parfois, cela coule de source et d'autres fois, c'est un peu plus forcé, mais l'artiste n'oublie pas d'aller chercher dans le fond de son catalogue pour exhumer des personnages ou des titres qui semblaient au point mort, depuis des années. Hit-Girl, mais aussi Kick-Ass, occupent une place toute particulière et c'est ainsi une forme d'auto-hommage à tout le travail de Millar qui est mise en place, car il s'agit de deux créations fondamentales. Kick-Ass, c'est ce jeune gamin sans super pouvoirs qui va être, sans le savoir, le premier super-héros qui n'en est pas vraiment un, à inspirer les autres. Hit-Girl, quant à elle, est probablement la plus dangereuse du lot; c'est elle qui va permettre à l'histoire d'avancer et de subir un profond revirement, alors que les super-héros se font descendre les uns après les autres. On assiste d'ailleurs à une bascule intéressante à partir du troisième épisode, l'histoire vire clairement à la science-fiction la plus pure, avec des voyages dans le temps mais aussi une invasion à échelle globale, qui permet un grand final pyrotechnique, qui n'est pas sans rappeler le fonctionnement classique des crossovers chez les grandes maisons d'édition américaines. C'est surtout une manière d'adresser un clin d'œil appuyé à toutes les pratiques, les tics d'écriture, mais aussi tout simplement le meilleur des comic books super-héroïques que nous lisons depuis des années. Pour l'occasion, le choix du dessinateur est excellent puisque Pepe Larraz est incontestablement à insérer dans le top five des artistes mainstream du moment. Si vous cherchez la moindre vignette banale, sans puissance, où l'artiste ne donne pas une dimension grandiloquente et vibrante à ses dessins, sachez que vous ne la trouverez pas. Larraz signe un travail absolument parfait et même lorsqu'il doit insérer un grand nombre de personnages dans la même (double) splash page, c'est toujours avec une dextérité évidente et un sens du spectacle inné. Alors oui, Big Game n'échappe ni aux qualités ni au défauts habituels des œuvres de Mark Millar (y compris cette grande théorie complotiste d'un monde dirigé dans l'ombre par de vrais puissants. On apprend dans ces pages que le covid a été crée par ces individus, et que la variant Omicron est une parade trouvée par le héros de Prodigy !), mais si vous êtes sensibles à ce qu'il a fait jusque-là, cette manière de relier tous les points pour forger un univers cohérent et explosif ne vous laissera pas indifférents. Incontestablement, une des lectures qu'il faut avoir parcourue cet été.



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