Deadpool également a droit à sa belle collection "Intégrale". Le personnage a été ces dernières années une locomotive certaine en termes de vente, mais comme d'autres avant (et même après) lui, il a aussi connu une flexion notable en ce sens. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. C'est dans la série X-Force, avec Fabian Nicieza et Rob Liefeld, que Deadpool gagne le cœur des lecteurs, sans y être, les premiers temps, réellement incontournable. Le premier round entre Wade Wilson et les mutants de Cable ne tourne pas à l'avantage du mercenaire, facilement mis hors d'état de nuire par ses opposants, bien aidés, il est vrai, par l'arrivée impromptue de Domino, qui met fin aux débats. Le tout se résume en quelques pages, sans que Deadpool ne soit vraiment caractérisé ou développé d'aucune autre manière, au delà du classique "mercenaire lourdement armé qui flingue, avec des tas de gadgets ultra cool". Rob Liefeld avait fait une sorte de crise de jalousie, à l'époque. Son compère Todd McFarlane avait atteint les sommets du petit monde des comics avec Spider-Man, puis avec son Spider-Man, une série taillée sur mesure pour l'ambitieux canadien. Il suffit de regarder le costume de Wade (notamment les grands yeux) et de supporter ses vannes foireuses au mépris du danger pour comprendre qu'il y a du Spidey chez ce mutant tragique, mais toujours de bonne humeur. Le vrai départ de Deadpool en tant que personnage avec un vrai background, un vrai cast à ses cotés, et de véritables ambitions scénaristiques, sera donné peu de temps après, deux ans plus tard pour être exact, avec une mini série réalisée par Fabian Nicieza et Joe Madureira. Elle fut même publiée alors sur les pages de Strange, la référence Vf de Lug puis Semic, ce qui correspondait un peu à une sorte d'intronisation officielle sur le marché français. Plus de vingt ans ont passé, et les nouvelles générations ont adopté et acclamé Deadpool, avec cependant un risque programmé, celui de voir la poule aux oeufs d'or toussoter et crachoter, malade d'une surexposition risquée, d'une surproduction souvent galvaudée. Parce que finalement, Deadpool est-il vraiment si drôle? Cela dépend des scénaristes, des intentions du moment. En attendant, on hésite encore, dans cette première Intégrale. Un héros? Clairement, un vilain? Un type sur qui on peut compter, malgré les défauts évidents? Ou juste une pourriture, prêt à tromper tout et tout le monde? Ce qu'on devine vite, c'est que la subtilité ne sera pas son super pouvoir favori…
Aux origines donc, pas de série régulière, mais des apparitions de plus en plus constantes et marquées, chez la X-Force de Liefeld, qui a pris la relève des Nouveaux Mutants. Le groupe de jeunes d'autrefois a évolué vers le groupe paramilitaire, et le mentor pacifique que pouvait être Xavier, ou par la suite Magneto, est remplacé par un Cable lourdement armé, qui va devenir par ailleurs l'antagoniste/associé de notre mercenaire. La première mini série en quatre volets (voir plus haut) s'intitule elle The Circle Chase, et elle est illustré par un de ceux à qui on colle l'adjectif "prédestiné" sur le front, dans ces années 1990 : Joe Madureira. Un artiste ultra doué qui fait exploser chacune de ses pages avec un sens inné de l'action et du spectaculaire, et qui en était encore aux prémices d'une carrière, qui de devait malheureusement pas pour nous lecteurs être aussi fournie et régulière qu'espérée. On se replace d'emblée dans la continuité de ce que Liefeld a raconté (avec Fabian Nicieza) avec les Nouveaux Mutants. A savoir que c'est un certain Tolliver qui est à la base du récit. Son décès a entraîné une lutte farouche entre concurrents qui se disputent le privilège de mettre la main sur son testament. Pas de documents chez le notaire ou de fortune cachée, mais plutôt l'arme la plus redoutable du monde, qui sera pour le premier qui parviendra à rassembler les bonnes informations, et s'en emparer. Histoire oblige, c'est du coté de Sarajevo que nous retrouvons Deadpool, au milieu des balles perdues et d'une guerre moribonde qui n'a cesse de laisser derrière elle morts et destruction. Un groupe lourdement armé est chargé de l'éliminer, et pour compliquer les choses, voilà que ce bon vieux Wade Wilson a quelques pépins avec son facteur auto-guérisseur, qui n'est plus aussi efficace et performant qu'autrefois. Dommage, car des poids lourds vont se joindre à la course au testament de Tolliver. Le lecteur va donc croiser, pour des raisons multiples, le chemin de Black Tom Cassidy, du Fléau, de Kane Garrison (l'Arme X). Ne cherchez pas à lire entre les lignes pour aller cueillir un peu de saine philosophie, ou vous gargariser de méta-bande dessinée, ici nous sommes face à quatre épisodes d'action explosive pure et dure, où le but est d'en jeter un maximum aux yeux des fans des années 90. Dire que ça n'a pas très bien vieilli relève de l'évidence, mais ceux qui ont découvert ces pages avec le mensuel Strange gardent toujours de l'affection pour ce type de comics testostéronés. Le Deadpool drôle et qui brise le quatrième mur à longueur d'épisodes, ça viendra par la suite. Du reste, c'est le principe des Intégrales chez Panini, non? Repartir du départ, des premiers pas, pour retracer une carrière éditoriale dans toute sa diversité. Fans de Wade Wilson, pour tout avoir, une année après l'autre, c'est maintenant que ça commence!