Ce n'est pas la première fois que le Joker est abordé sous l'angle de la thérapie, et des dégâts qu'il est capable d'infliger au psychiatre chargé de l'examiner. C'est même, pour résumer très sommairement ce qui est arrivé lors de la génèse du personnage à succès qu'est aujourd'hui Harley Quinn. Dans ce Killer Smile du toujours inspiré Jeff Lemire, le malheureux qui devient le jouet du détenu le plus dingo d'Arkham est un certain Ben Arnell. Très vite, le lecteur comprend que quelque chose ne tourne pas rond. Le Joker, qui expose son concept distordu du bonheur et des raisons de sourire, est suivi et "soigné" depuis combien de temps ? Même le thérapeute parait s'emmêler les pinceaux sur le sujet… Et puis chez lui, dans son aimante petite famille, Ben semble en difficulté, en proie aux cauchemars, et il croise la route d'un livre pour enfants très inquiétant… Tout ceci n'est que la partie visible de l'iceberg, la réalité étant bien plus sordide et solidement ancrée dans un délire terrifiant et poignant, qui va unir de manière morbide et meurtrière le patient et le médecin. L'ensemble est magnifié par l'italien Andrea Sorrentino, dont la complicité évidente avec Lemire fait encore une fois des merveilles. La complexité de la mise en page, l'habileté dans l'art de faire ressortir les détails, fragmenter la narration par de multiples trouvailles visuelles, tout ceci contribue à faire de cet album un des plus intéressants et ambitieux de cette rentrée Vf. Notons aussi que cette mini série publiée dans le Black Label de Dc (d'où le format inhabituel de l'objet) se termine par un appendice du nom de Batman : The smile killer, où cette fois il est question de la dérive psychologique d'un Batman qui n'en est peut-être pas un, simplement peut-être la sublimation distordue d'un être (Bruce Wayne) brisé durant l'enfance, pour avoir commis l'irréparable. Là encore c'est intrigant, effrayant, et ouvre un champ des possibles à en avoir le vertige.
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