E.V.A CHRONIQUES DE L'INFRAMONDE (DE MARCO TURINI)

Ce sont les amateurs de la grande époque du magazine Métal Hurlant qui vont être ravis, tant le style de Marco Turini les fera se sentir "à la maison", dans cet album publié chez Graph Zeppelin. Marco Turini, c'est un dessinateur italien, désormais installé en République Tchèque, que nous n'avons encore jamais eu le plaisir de rencontrer, mais dont nous suivons avec un grand intérêt les dessins et les travaux relayés sur ses réseaux sociaux. Ici ses aquarelles un brin morbides, d'une froideur mécanique et pour autant contenant une puissance charnelle évidente, sont de toute beauté et attirent à elles-seules le regard du lecteur potentiel. Nous avons entre les mains un ouvrage ultra dense, très ambitieux, qui ne se contente pas de dérouler une simple piste narrative, mais ouvre énormément de sentiers qui se ramifient, au point de parfois donner le tournis, et de ne plus permettre de savoir où on en est vraiment, avec qui, pourquoi. Pour cette histoire, il faut plonger dans les entrailles de la Terre, puisque qu'une terrible catastrophe a rendu l'idée d'habiter la "surface" inenvisageable. Le nouveau monde est divisé en quatre sous niveaux, et plus on descend, plus il fait chaud, plus on s'éloigne du véritable habitat humain, et plus l'existence y est sans concession. On se retrouve d'ailleurs dans la capitale (Janis) de ce dernier "giron", comme le qualifiait Dante pour sa Divine Comédie, où des forces de l'ordre high tech sont sur la piste d'E.V.A, qualifiée de terroriste, pour avoir tentée à plusieurs reprises de pénétrer dans les niveaux supérieurs. C'est formellement interdit, et pour autant elle n'est pas la seule, comme cette Lavinia avec qui elle fera connaissance, et qui constitue le vrai point de départ de l'album. 


Ces chroniques de l'inframonde plongent le lecteur dans un univers où les personnages sont autant de mécaniques humaines. Parties toutes entières du corps mécanisées, avec des androïdes qui fleurent bon la science fiction des années 70, et qui côtoient également de jolies créatures qui donnent à l'ensemble une touche de sensualité là encore surannée. On y trouve par ailleurs une certaine forme de conscience politique, avec cette maire de la cité de Janis, engagée dans sa propre réélection, qui use d'un artifice bien connu des hautes sphères du pouvoir : il vaut mieux séduire que convaincre. Une grande fresque post apocalyptique et ambitieuse, voilà ce que présente Marco Turini, mais avec un talon d'achille évident, qui saute aux yeux passée une bonne vingtaine de pages, l'incapacité à faire décoller l'ensemble, emporter l'adhésion, car le récit est trop vague, fumeux, manque de clarté et d'envie de s'attacher à des personnages qui fonctionnent de manière trop artificielle. Du coup, on ne pourra conseiller ces Chroniques de l'Inframonde qu'aux amateurs d'une certaine SF punk qui n'a plus cours aujourd'hui, mais a donné des pages inoubliables voici quelques décennies. Turini est un dessinateur très doué, qui maîtrise son art aussi bien dans le trait et la couleur, mais sur le coup, une véritable maxi série au long cours aurait pu être profitable pour développer cet univers, en lieu et place d'un simple album qui manque singulièrement d'une vraie ligne directrice. Reste un bel objet, soigné, proposé par Graph Zeppelin. 



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