Pif Gadget, c'est toute une partie de ma jeunesse, c'est une de ces lectures indispensables, dont je ne sautais jamais un numéro. Né en 1969, appartenant au journal l'Humanité, et donc au Parti communiste alors en plein essor, cet hebdomadaire a eu le grand mérite de présenter pour jeune génération d'alors, de très nombreux personnages, allant de l'humorisme le plus simple et ingénu aux histoires sociales, historique et engagées, faisant le grand écart entre Placid et Muzo ou Rahan, par exemple. Et puis il y avait le gadget, que ce soit des pois sauteurs et des dirigeables gonflables au soleil, ou de petites maquettes à construire, tout ceci a marqué notre génération.
Dans les années 90, Pif Gadget a rendu l'âme, avant d'être relancé sous forme d'un mensuel, 10 ans plus tard, mais sans grand succès. Après une liquidation judiciaire, Pif est de retour sans son gadget (et après quelques hors-série irréguliers). Nous assistons au come-back de la formule "chaque semaine" avec un journal qui s'ouvrira comme un accordéon et proposera d'un côté de la bande dessinée, et de l'autre de l'approfondissement. Le public visé est principalement celui des 8-14 ans, mais il est évident que pour que le succès soit au rendez-vous, il faudra s'en aller récupérer une partie des anciens lecteurs (qui sont aujourd'hui pères de famille). Si toutefois ils ne sont pas rebutés à l'idée de voir leur personnage fétiche relooké (le dessinateur est Thomas Labourot et le scénariste Jean-Michel Darlot) : par exemple Pif est désormais complètement vêtu, et l'esprit naïf des années 70 risque d'être bien loin de cette version annoncée plus engagée, plus raccord avec les thèmes sociaux du moment. En bonus, qui lira avec un smartphone en main pourra débloquer des bonus en réalité augmentée.
Une campagne de financement participatif est également disponible sur Kisskissbankbank. Reste la grande question : a-t-on besoin du retour de Pif? Est-ce vraiment pertinent? Ne vaudrait-il pas mieux créer de toutes pièces un nouveau journal, inventer quelque chose d'inédit, plutôt que d'aller récupérer d'antiques idées dans les tiroirs de la nostalgie, pour ressortir périodiquement les grandes heures du passé qui ne pourront plus jamais revenir? Pourquoi recourir à ces incarnations d'une époque où les jeunes n'était pas ceux d'aujourd'hui, où la vie ne se scandait pas à coups de Snapchat et de jeux en réseau, où le cinéma et la bande dessinée n'adoptaient pas ce ton désenchanté, cruel et ultra réaliste, qui est la orme en 2018?
Pif et Hercule peuvent-ils encore exister, dans un monde où la naïveté est interprétée comme de la faiblesse, eh où l'émerveillement des plus jeunes est noyé dans une injection continue de réel désenchanté? Réponse en octobre , après un numéro 0 qui sera distribué lors de la fête de l'Humanité.
On notera au passage que des trolls sur Facebook semblent découvrir que Pif Gadget était un hebdomadaire du parti communiste, et s'inquiéter de ce que leur progéniture sera appeler à lire, comme si Pif avait jusque là incité les enfants à manger leurs semblables, ou à s'équiper d'une faucille et d'un marteau. Troll, c'est tout un métier.
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