Brian Michael Bendis fut il y a quelques années un des grands architectes de l'univers Marvel et un scénariste très recherché, parmi les plus grandes pointures du genre, au monde. Puis il est parti chez DC comics, a connu de sévères ennuis de santé et on avait fini par perdre sa trace, il faut l'admettre. Le voici de retour aux affaires, cette fois chez Abrams ComicsArt, avec une œuvre totalement personnelle, ou pour être exact, réalisée à quatre mains avec Andre Araujo Lima, un dessinateur fascinant avec qui il couvait cette idée depuis de nombreuses années (au départ, elle était destinée à DC comics). Phenomena est assez difficile à déchiffrer, tout simplement parce qu'au terme du premier tome, qui arrive cette semaine sur le label Urban Blast, il est toujours impossible de véritablement expliquer les raisons pour laquelle la Terre a connu de tels bouleversements. Le monde dépeint par Bendis ne ressemble absolument plus du tout à ce que nous en connaissons aujourd'hui et il est désormais peuplé de robots géants, de créatures étranges pouvant même recourir à la magie, de baleines volantes, de cités flottantes… bref, bien malin qui pourra dire ce qui nous a amenés à cette situation insolite. Par contre, ce que l'on peut dire d'emblée, c'est que la prestation de Araujo Lima est tout simplement extraordinaire. Les planches en noir et blanc, dans un style qui s'apparente presque au manga (mais pas le manga bas de gamme, le manga bijou), sont truffées de toutes sortes d'inventions graphiques, font la part belle à des paysages futuristes ou oniriques convaincants, où aucune case n'est laissée au hasard. Le personnage principal semble être au début un jeune garçon, Boldon (Bendis nous rejouerait-il le coup de Miles Morales ?), un peu paumé, qui va vite rencontrer un preux Cyper (vous découvrirez de quoi il s'agit en lisant) baptisé Spike, sans oublier Mathilde, une petite voleuse sympathique, qui subtilise l'épée de Spike, à son grand désespoir.
Ce premier tome s'apparente à une quête, un cheminement. D'abord, celui qui mène les personnages à la Cité d'Or œillée, une sorte de ville flottante et ultra technologique, qui apparaîtra bien différente de ce à quoi ils s'attendaient. Ensuite, il s'agit aussi de l'aventure de Boldon, qui va apprendre à tisser des liens avec les nouveaux amis qu'il rencontre en chemin et qui, inévitablement, gagnera en maturité. Et en expérience, en récits à raconter, dans un univers où ces derniers peuvent se monnayer contre de la nourriture ou des services pratiques. Il n'y a pas que le dessin qui permet de retranscrire le foisonnement incroyable de l'univers de Phenomena, il y a aussi les dialogues, le texte, et la traduction de Julien Di Giacomo parvient à restituer avec brio ce qu'a tenté de faire Brian Bendis, c'est-à-dire inventer un langage basé sur ce que nous connaissons mais suffisamment perverti et décalé pour le rendre singulier et nous interroger, en de nombreuses occasions. Même le phrasé, les répliques dans cette histoire échappent à ce que nous sommes habitués à lire. Tout est à découvrir et rien ne se révèle véritablement et définitivement avec ce premier tome, qui nécessite que l'on attende la suite pour vraiment comprendre quels sont les enjeux. C'est publié sur le label Urban Blast, le souffle d'une nouvelle génération comme l'annonce Urban comics. Autrement dit, des albums souples avec une couverture à rabat, très agréables à prendre en main et qui sont eux aussi une sorte de croisement génétique entre le comic book et le manga XXL. Bref, un ouvrage crossover qui possède un bon nombre d'atouts pour séduire du monde, à condition qu'on lui accorde une chance.
Sortie cette fin de semaine
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