LE PUITS (DE JAKE WYATT ET CHOO) : FABLE DU DESIR ET DES VOEUX


 La troisième et dernière sortie de janvier du label Combo et plus à rapprocher du manga, aussi bien par le style adopté pour le dessin que pour ce qui est de la présentation, avec un format plus petit et une couverture souple brochée avec rabat. Le personnage principal de cet album appelé Le Puits est une adolescente du nom de Lizzy. Elle est fille et petite fille de sorcières, mais sa famille a disparu et elle vit désormais avec la dernière personne qui lui reste, son grand-père. Elle a disparu car il a fallu autrefois combattre un terrible monstre, le Léviathan, dont la défaite (provisoire) a ensuite provoqué l'arrivée d'une brume permanente, dans laquelle doivent vivre tous les habitants d'un pays qui n'est jamais nommé et qui ajoute au caractère fantastique et merveilleux de l'ensemble. Le grand-père de Lizzy est chevrier et sa petite fille est chargée d'aller vendre ses fromages, en prenant un bac pour aller d'une ile à l'autre. Un jour, ayant besoin d'argent pour payer la traversée mais aussi quelques effets personnels et se faire plaisir, elle décide d'aller voler trois pièces de monnaie qui ont été jetées au fond du puits magique d'un petit village, par des gens qui ont formulé chacun un vœu personnel, un désir ardent et intime, qui ne s'est pour l'instant pas encore réalisé. Le larcin peut sembler modeste mais il a une conséquence dramatique : il réveille les monstres de la brume et place Lizzy dans une situation très inconfortable. Il va falloir qu'elle rembourse, ou à défaut, qu'elle exauce les vœux qu'elle a imprudemment "empruntés". Une étrange apparition encapuchonnée est là pour la guider, tout du moins pour lui indiquer le chemin et suggérer quelques conseils avisés. 

On est en permanence à la frontière de quelque chose, mais on ne parvient jamais à l'identifier. Il règne un parfum comme d'étrangeté et d'onirisme dans ce qui est décrit comme une fable et qui apparaît aussi comme le récit initiatique d'une adolescente, sur le point de rentrer dans l'âge adulte. C'est aussi une histoire sur la manière d'accepter l'altérité de l'autre, les désirs profonds, les rêves de chacun, tout ce qui définit en fait l'humanité, tout simplement. Jake Wyatt nous surprend à travers les chapitres de cette bande dessinée qui sont autant d'étapes vers une révélation intime et collective. Un parcours touchant qui ne laisse pas insensible. Le dessin de Felicia Choo empreinte énormément au code du manga, comme nous l'avons déjà dit, mais l'atmosphère cotonneuse dans laquelle flotte son œuvre fait qu'elle dépasse et surpasse l'inspiration de base, pour obtenir quelque chose de différent, un produit hybride suspendu, quelque part entre compte pour enfant et symbolisme fort, pour adulte. Du reste, il s'agit d'une des promesses du label Combo; celle de présenter de nouvelles bandes dessinées échappant aux standards établis, brisant les barrières, opérant une synthèse à tous niveaux. Sans tambour ni trompette, Le Puits est à placer dans cette catégorie. L'impression de quelque chose de d'antique, d'éprouvé, avec la certitude d'avoir le regard tourné vers l'avenir, le défrichage. Un récit qui démarre au petit trot, pour peu à peu vous ensorceler et qui se laisse lire d'une traite, jusqu'à la révélation finale. Il y est aussi question de sentiments, d'amour, au-delà des questions de genre, sans jamais que ça soit asséné avec lourdeur. Subtilement, une belle réussite.





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