Par "event", le lecteur de comics américains désigne ces grands événements qui bouleversent l'ensemble de l'univers d'une maison d'édition, mobilisant une multitude de personnages et de séries. Chez Marvel, cette pratique est devenue quasi systématique ces quinze dernières années. Il faut bien le reconnaître : si certains de ces récits s'avèrent réussis et laissent des traces durables dans la vie de nos super-héros, d'autres, hélas, se révèlent aussi éphémères et inconsistants que des bulles de savon prêtes à éclater. La bonne nouvelle, c'est que Blood Hunt, une histoire de vampires comme son titre le laisse présager, figure parmi les récits les plus captivants de ces dernières années. Comme annoncé, il est question de vampires et, qui dit vampires, dit forcément Dracula. Cependant, cette fois-ci, le célèbre seigneur des ténèbres ne joue pas le rôle du grand méchant assoiffé de conquête planétaire. Au contraire, il devient l'un des derniers recours sur lequel les justiciers peuvent s'appuyer pour affronter une menace bien plus terrible. Celle-ci émane d’un visage pourtant familier, habituellement l’ennemi le plus acharné des vampires. Tout commence lorsqu’un phénomène étrange frappe les personnages qui puisent dans la Force Noire : ils explosent littéralement, devenant des sortes de nexus déversant une noirceur indicible dans notre dimension. Cette obscurité est si intense qu’elle finit par masquer le soleil derrière une couche opaque et impénétrable. Et, comme chacun le sait, lorsque le soleil disparaît, le terrain est idéal pour une déferlante de vampires. Les Avengers sont les premiers à subir les assauts de cette invasion. Face à une nouvelle équipe de super-vampires (les Sanguinaires), ils essuient une cuisante défaite : Thor, la Sorcière Rouge et Black Panther, pourtant parmi les plus puissants, se retrouvent littéralement laminés. Quant au Docteur Strange, sans dévoiler de détails, disons simplement que Blood Hunt ne manquera pas de laisser des séquelles majeures pour le Sorcier Suprême. Autre excellente nouvelle : les épisodes principaux de cet événement sont illustrés par Pepe Larraz, un dessinateur de génie dont les planches dynamiques et spectaculaires marquent les esprits à chaque fois. Au scénario, on retrouve Jed MacKay, qui a patiemment tissé les fils de cette intrigue ces derniers mois, notamment à travers la série Moon Knight, dont plusieurs protagonistes jouent ici un rôle clé.
Puisque j’évoquais le sort du Docteur Strange, l’une des victimes les plus marquantes de ce début de crossover, il convient de parler de la manière dont ces récits sont désormais publiés par Panini. Ces histoires paraissent sous la forme d’albums en softcover, avec trois sorties prévues jusqu’en mars de cette année. Cette structure est importante, car elle propose un contenu très varié : on y trouve bien sûr les épisodes de la série principale, mais également des récits annexes tirés de titres influencés par les événements du crossover. Cependant, la qualité de ces récits est inégale : certains personnages sont moins connus, et les équipes artistiques qui y participent ne parviennent pas toujours à maintenir le niveau général. Par exemple, Strange Academy met en scène de jeunes adolescents apprenant à maîtriser leurs pouvoirs magiques. Dans le contexte sombre et intense de Blood Hunt, ce ton léger et quelque peu infantile peut sembler hors de propos, voire dispensable. De même, dans la série régulière consacrée au Docteur Strange, le style graphique de Pascual Ferry peut surprendre après le travail minutieux et spectaculaire de Pepe Larraz, qui avait placé la barre très haut. En revanche, l’arrivée de Vincenzo Carratù, chargé des aventures de Dracula, est une excellente surprise. Dracula, personnage central dans l’économie du crossover, bénéficie du talent de ce dessinateur napolitain, qui s’impose comme une valeur montante de Marvel. Sur le plan narratif, Blood Hunt alterne entre le chaud et le froid. Le premier numéro est un véritable carnage, où les héros subissent des défaites cuisantes, mais dès le second, la situation évolue : les survivants trouvent un moyen de contre-attaquer, et un regain d’espoir s’installe parmi eux. Parmi les figures notables du récit, on retrouve un électron libre en la personne du Docteur Fatalis. Ce personnage, dictateur charismatique et calculateur, occupe un rôle clé dans l’intrigue. Ses actions et leur portée influenceront directement les événements à venir, et seront à l’origine du prochain grand crossover Marvel, attendu d'ici peu aux États-Unis et dont la France devrait découvrir les premiers chapitres fin 2025, compte tenu du décalage habituel. Blood Hunt repose sur un ressort dramatique classique : un monde au bord de la destruction face à une invasion presque impossible à stopper. Comme souvent, les pertes seront nombreuses, mais elles s’accompagneront de résurrections et de révélations. Et, fidèle à la tradition Marvel, chaque conclusion ne sera qu’un point de départ pour de nouvelles aventures. Sur le plan artistique et narratif, si l’ensemble n’est pas exempt de défauts, il reste bien supérieur à d’autres sagas que nous avons pu voir ces temps derniers. En somme, Blood Hunt mérite qu’on s’y attarde, et pourrait bien convaincre les amateurs de carnages du genre.
La communauté comics BD de référence sur Facebook :