Ragnarök, vous connaissez. Derrière ce terme se cache le crépuscule des Ases, c'est-à-dire les dieux nordiques, la fin de tout un monde. Le plus célèbre de ces dieux, c'est bien entendu Thor et son célèbre marteau Mjolnir. Et si je vous parle de Thor, l'esprit vagabonde alors tout de suite à quelques-uns des grands auteurs qui ont marqué son incarnation en tant que super-héros chez Marvel, dont le célèbre Walter Simonson. Hors, il se trouve ici que c'est Simonson qui orchestre un Ragnarök inédit, puisque mettant en scène un Asgard totalement différent de ce à quoi sont habitués les lecteurs de super-héros. Nous avons affaire à une mini série publiée initialement chez IDW, qui propose une version beaucoup plus sombre et sanguinaire que celle dans laquelle évolue le célèbre Avenger. Qui plus est, l'histoire démarre alors qu'Asgard est déjà tombé. Le crépuscule des dieux a eu lieu; ils sont tous morts ! Pour autant, les Neuf Mondes existent encore ainsi que leurs habitants. Nous faisons rapidement la connaissance d'une elfe noire, guerrière redoutable qui en remontrerait au plus vaillant guerrier et qui, avec une bande de pillards, est sur la piste d'un butin en or faramineux. Ils parviennent à pénétrer dans un temple désaffecté dont l'entrée est scellée par un marteau, ce qui aurait normalement dû mettre la puce à l'oreille à un observateur plus aguerri. Une fois à l'intérieur, la joyeuse troupe se retrouve face à face avec Thor, ou pour être exact, son cadavre, assis sur le trône et dans un piètre état. Celui qui fut autrefois le dieu du tonnerre est l'objet des railleries des envahisseurs, persuadés qu'il ne pourra rien leur arriver. Sauf que même mort, un dieu peut toujours se réveiller. Thor se dresse face aux pillards et il invoque les pouvoirs de son marteau qui ne tarde pas à répondre. Ce tort là ne fait pas dans le détail, il incinère sur place et son aspect n'est absolument pas engageant. Ce qui ne l'empêche pas d'être fidèle à une parole donnée. C'est le cas lorsqu'il promet de veiller sur la fille de Brynja, l'elfe noire, après que cette dernière ait sollicité sa protection. Ragnarök a bien eu lieu, mais Thor est de retour.
Ce Thor là est donc devenu tel un Draugr, c'est-à-dire un mort qui marche. Il n'est au courant de rien ce qui s'est passé durant son "sommeil pas si éternel que cela"; c'est la raison pour laquelle il part à la recherche de la fontaine de Mimir. S'abreuver à ses eaux permet en effet d'obtenir la connaissance. L'univers lunaire des dieux nordiques après le Ragnarök correspond parfaitement au style de Walter Simonson. En tant que dessinateur, c'est un mélange fort intéressant entre l'énergie de Jack Kirby et le courant brutaliste. Des onomatopées imposantes et carrées rythment la scène tandis que la force qui crépite et les coups assénés reprennent la technique des "dots", des petits points chers à Kirby. Les formes anguleuses, les musculature imposantes, les visages grimaçants ou monstrueux donnent une touche particulièrement crépusculaire à cette histoire. On y retrouve non seulement Thor mais aussi de nombreuses références à un univers viking que beaucoup d'entre vous connaissent différemment. Il n'y a aucune confusion possible, pas de super-héros dans ces pages, juste un monde dévasté où un dieu est revenu d'entre les morts sous un aspect peu ragoutant : Thor se lance dans une ultime mission en solitaire. Le catalogue de Black River propose toute une liste de titres aux styles et aux thématiques forts variés et ajoute ainsi une petite épopée que l'on doit à l'un des acteurs majeurs de la scène comics de ces 40 dernières années. Simonson est toujours une référence lorsqu'il s'agit d'aborder frontalement la mythologie et ici on sent bien qu'il est en territoire connu, en des contrées qu'il a déjà arpentées bien des fois, inspiré par une vision singulière et personnelle qui tranche réellement avec ce à quoi on pouvait s'attendre. En bonus, vous pourrez parcourir de nombreuses couvertures alternatives ainsi que des pages de croquis. Inutile de dire que si vous êtes sensibles aux aventures du dieu du tonnerre, Ragnarök est une lecture indispensable qui vous fera le voir autrement.