DO A POWERBOMB ! : DANIEL WARREN JOHNSON, DU CATCH, DU GRAND SPECTACLE


 De l'avis général, le catch est plus un spectacle qu'un sport : les combats auxquels nous assistons sont tous "truqués", c'est-à-dire que le résultat est connu d'avance et qu'il s'agit en fait d'un récit préalablement écrit entre les deux adversaires, leurs managers, leurs équipes respectives. Le terme "truqué" est péjoratif; en réalité, lorsque le catch est de bonne facture, le spectateur a droit aux évolutions d'athlètes hors du commun, capables d'orchestrer des ballets violents et spectaculaires, le plus souvent avec une carrure et une plastique qui force le respect. Daniel Warren Johnson, un des artistes les plus explosifs du moment, s'est pris au jeu, ces dernières années, en regardant les combats nocturnes alors qu'il était contraint de s'occuper et de tenter d'apaiser sa petite fille en bas âge. Au moins n'a-t-il pas perdu son temps, puisque de ce nouvel amour est née une bande dessinée totalement déjantée, qui mêle à la fois catch et ésotérisme, récit familial et orgie de combats. Yua Steel Rose semble être l'héroïne du récit dans les premières pages; c'est une combattante extraordinaire, détentrice du titre mondial des poids lourds de la Tokyo Grand League de catch. Nous la retrouvons dans son dixième combat face à son challenger, Cobrasun, un colosse masqué qui interprète pour l'occasion le rôle du méchant, venu défier la préférée du peuple. Le combat est rude et les coups pleuvent, le tout sous les yeux de la petite fille de Yua, qui se fait du mouron pour sa mère et qui est rassurée entre chaque prise par son oncle. Le père, lui, a dû s'absenter… et pour cause, pour ne pas vous gâcher la surprise, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le rebondissement qui survient  au terme du second volet. Lona va finalement assister à un drame cruel : sous ses yeux, en voulant se hisser sur la troisième corde, Cobrasun dérape et la championne en titre tombe lourdement sur le ring, dans une position innaturelle. Un choc sourd et mortel dont elle ne se réveillera jamais.



Pour que vous compreniez mieux de quoi il retourne, il manque un personnage que je n'ai pas encore mentionné. Un certain William Necroton, qui se revendique nécromancien doté de pouvoirs formidables mais aussi promoteur et organisateur de combats de catch, avec un tournoi totalement fantasmagorique appelé le Deathlyfe. Les règles sont simples, il s'agit du célèbre catch à quatre. Vous savez, ces équipes de deux qui s'affrontent, où les combattants, en tapant dans la main de leur coéquipier peuvent s'alterner sur le ring pour se foutre sur la tête. Le spectacle est doublement compliqué et sportif car il faut aussi une coordination remarquable. Seulement voilà, Necroton n'organise pas un tournoi de catch comme les autres. Tout d'abord, il n'est pas question ici de scénario écrit à l'avance. Tous les coups sont permis et les combattants luttent sans retenir les prises, autrement dit le sang va couler, les membres vont se briser et il ne sera pas question de pitié. Ensuite, le vainqueur du tournoi aura droit à une récompense assez exceptionnelle : la possibilité de faire revenir parmi les vivants quelqu'un qui est décédé. Si vous avez bien lu les premières lignes de notre critique, vous avez parfaitement compris la raison pour laquelle Lona Steel Rose va tout faire pour décrocher la ceinture de championne. Et puisqu'il lui faut un binôme efficace et à la hauteur, quoi de mieux que de s'appuyer sur celui qui a accidentellement provoqué la mort de sa mère ? Passionner le lecteur avec une histoire de catch (en tout cas dans mon cas) c'était loin d'être gagné, mais Daniel Warren Johnson parvient à captiver du début à la fin, sans aucun temps mort. Les scènes de catch sont superbes, ce qui se passe sur et en dehors du ring est totalement délirant et en même temps, chaque vignette dégage une puissance inouïe, dans un style très personnel qui récupère les codes du manga, pour en faire quelque chose d'autre, quelque chose qui explose la rétine. Des onomatopées géantes renforcent l'impression d'ultra-violence, alors que de très nombreuses petites cases, toutes parfaitement exécutées, s'alternent avec des planches de grand impact. La couleur de Mike Spicer parvient aussi à respecter et magnifier le côté électrique de l'ensemble. Le risque était de vouloir en faire de trop, de représenter de la violence sans aucun sens. Il a été admirablement éviter dans une lecture qui est carrément à conseiller, que vous aimiez ou non ce sport spectacle aussi régressif que fascinant. Do a powerbomb ! tape fort, très fort.


Sortie la semaine prochaine




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