BATMAN & JOKER DEADLY DUO : MARC SILVESTRI ASSOCIE LES DEUX LARRONS


 Il a fallu une petite dizaine d'années pour que Marc Silvestri complète son projet personnel consacré à Batman. Sur le papier, une histoire qui semble aller de soi, tant l'idée fait partie de celles qui viennent spontanément au lecteur : et si le Dark Knight et le Joker, les deux pôles opposés sur le spectre de la justice, de la droiture morale et de l'héroïsme, étaient contraints de s'associer, d'avoir pour une fois un but commun ? Un duo tellement saugrenu qu'au-delà de l'action, du crime, on se retrouverait presque avec un vrai comique de situation. L'histoire de cette mini série en sept parties, publiée sur le Black Label de DC (autrement dit, au diable la continuity, ne compte que le plaisir de présenter un récit ultra musclé) démarre avec Harley Quinn au fond du trou, au sens littéral. Elle a été capturée par un mystérieux ennemi qui entend la faire payer, elle, mais aussi le Joker, Batman, le commissaire Gordon, qui a également été enlevé et qui commence à perdre, petit à petit, certaines parties, comme un doigt qu'on lui a découpé. Pendant ce temps-là, d'affreux carnages son perpétrés dans la ville de Gotham et tous les indices laissent à penser que c'est le Joker qui est impliqué (des sortes de goules lui ressemblant étrangement sèment le chaos)… sauf que vous le savez, Batman est le plus grand détective du monde et on ne le trompe pas aussi facilement. Non seulement il comprend que son pire ennemi n'est pas réellement impliqué dans cette affaire, mais en plus il se retrouve nez à nez avec lui et va devoir "pactiser avec le diable" pour remonter jusqu'au vrai coupable. C'est là que l'histoire de Silvestri est assez intéressante, puisque si nous tombons assez rapidement sur la figure malsaine de celui qui tire les ficelles (la folie d'un père, un scientifique aussi doué que dénué de scrupules, qui cherche à venger la mort de sa fille), c'est pour apprendre, plus tard dans le récit, que les apparences sont une fois de plus trompeuses. Nous obtenons, in fine, un nouvel ennemi dans la longue galerie des vilains du héros de Gotham.




 S'il est une chose qui frappe le lecteur d'emblée c'est que Marc Silvestri a joué la carte de l'horreur : tous les personnages que nous allons retrouver dans cette histoire, du commissaire Gordon à Harley Quinn ou le Joker, sont embarqués de dans un récit très sombre, qui va d'ailleurs trouver sa résolution sous terre, et où des têtes coupées se baladent dans des sacs à travers la ville, portées par des gnomes maléfiques et surpuissants. Toutefois, même si le titre nous promet une association entre Batman et le Joker, il ne s'agit pas vraiment d'un duo et c'est tant mieux. Il aurait été assez surprenant que les deux antagonistes finissent par former une équipe de choc; ici, Batman a besoin de son pire ennemi mais tout dans son attitude, dans son rictus ou son regard, trahit le dégoût de la situation et l'envie qu'il a en fait d'utiliser le clown comme un bon vieux punching-ball. Du reste, le Joker aussi n'éprouve aucune sympathie pour Batman et le final nous montre bien qu'en réalité, la seule chose qui l'intéresse, ce sont ses propres visées. L'argument de vente principale, de toute manière, ce sera naturellement le talent de Marc Silvestri en tant que dessinateur. Nous retrouvons ici ce qui a fait son succès, notamment cette capacité de proposer des planches extrêmement torturées où les effets d'ombre sont omniprésents, où des hachures omniprésentes servent à caractériser les personnages et le milieu dans lequel ils évoluent. Gritty, un adjectif américain qui colle à la peau de ce genre de production; le Deadly Duo a ce mérite évident d'être un plaisir coupable pour le lecteur qui souhaitait sa dose de Gotham par Silvestri. Il ne sera pas déçu !




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