ZORRO D'ENTRE LES MORTS : SEAN MURPHY S'EMPARE DE L'ICÔNE


 Zorro appartient à la culture populaire, mais aussi à une époque fort différente de la nôtre, à tout point de vue. Le personnage est censé évoluer dans le Mexique de la première moitié du 19e siècle et son univers est fait de combats d'agilité, à la pointe de l'épée, tandis que son environnement est dominé par les chevaux, la ruralité, le pouvoir militaire. Mais la culture populaire est aussi un phénomène cyclique, ce qui apparaît finit toujours par s'éclipser, avant de revenir tel un satellite en orbite. Les mêmes bases, les mêmes recettes, mais qui évoluent pour s'adapter, au terme de la révolution. Nous assistons donc ces derniers mois au retour de Zorro sur le devant de la scène, sur différents supports; pour ce qui est des comic books, nous devons ce regain d'intérêt à Sean Murphy, un de ces dessinateurs totalement dingues, dont le style ultra reconnaissable et explosif a fait le bonheur de nombreuses productions à succès, du White Knight au très bon The Plot Holes. Murphy a l'intelligence de ne pas tenter d'écrire une énième histoire de Zorro dans le passé, mais au contraire de transposer le concept à l'ère moderne. Zorro est une légende et les mexicains de la région de La Vega l'honore et le célèbre, durant la fête des morts, chaque année. Néanmoins, les habitants de la région doivent aussi affronter la terreur qui règne à cause des cartels de la drogue, qui ont été responsables, vingt ans en arrière, de l'assassinat d'un des hommes forts du coin, sous les yeux de ses deux enfants, alors qu'il interprétait le rôle de Zorro, en costume, durant les festivités. Un meurtre perpétré par un un tyran du nom d'El Rojo, qui va avoir deux lourdes conséquences sur les orphelins. La fillette (Rosa) va faire ce qu'elle peut pour survivre, tout en méditant une vengeance impossible. Elle va même entrer au service des cartels pour assurer sa subsistance. Le frère, Diego (comme par hasard) devient pour sa part muet, et il part vivre dans un château transformé en musée consacré à Zorro, en compagnie de son grand-père. Il s'entraîne à devenir un combattant aguerri, un maître du maniement de l'épée, comme l'idole qu'il vénère et qu'il s'apprête à... devenir ? 




Le Zorro de Murphy n'est donc pas réel; il ne s'agit pas d'une réincarnation d'une figure légendaire de la pop culture, obtenue grâce à un prétexte quelconque, mais d'un descendant possible qui, du jour où il reçoit l'épée ayant appartenu au célèbre justicier, se découvre investi d'une mission : libérer les siens, devenir l'étendard même de l'espoir de toute une population, en se glissant dans le costume noir si célèbre. Le lecteur aura de quoi sourire avec son langage fleuri, mais aussi sa fausse naïveté, au moment de découvrir que les armes des adversaires ont bien évolué, et que plutôt que de lancer l'assaut à dos de cheval, on utilise désormais des véhicules blindés lourdement armés. Mais ce Zorro-là est tout aussi efficace et il parvient à atteindre son but, c'est-à-dire inspirer les autres, être une figure de proue de la rébellion, pour ceux qui ne courbent plus l'échine et décident que l'heure est venue de reprendre une partie de cette liberté dont ils ont été privés. Murphy signe non seulement un scénario intelligent (même si relativement basique. En quatre épisodes, il n'a certes pas le temps de trop développer son microcosme) mais en plus, au niveau du dessin, c'est hautement spectaculaire ! Vous voulez de l'action, vous voulez des prouesses plastiques et des planches iconiques au premier regard, vous allez en avoir pour votre argent, croyez-moi ! On retrouve toujours ces mêmes silhouettes nerveuses, saccadées, saillantes, mais aussi des personnages bourrus et massifs (El Cementiero, un américain qui vient prêter main forte aux rebelles). Ce Zorro baigne dans une lumière souvent sablonneuse, évolue la nuit ou sous les lampes tamisées, bondit, frappe, esquive. Comment devenir celui qui probablement n'a jamais été, mais qui est l'essence des espoirs et du courage des humbles, ceux qui aujourd'hui sont humiliés et terrorisés par les cartels mexicains ? Zorro comme on ne l'avait jamais vu encore, Zorro comme une évidence, pourtant, sous la plume et les pinceaux de Sean Murphy, magnifié par une édition grand format chez Urban Comics, à sortir ce vendredi. Existe aussi en édition limitée noir et blanc, tirée à 4500 exemplaires. 


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