La sortie du mois chez Black River est à réserver aux amateurs de dark fantasy, de tous ces récits lugubres et gothiques, dans lesquels le jour ne se lève jamais et où l'obscurité règne sans partage, de la première à la dernière page. Talyn, c'est avant tout un personnage fort, une héroïne qui ne ressemble pas à ses collègues habituelles. On a l'habitude d'employer un terme hérité de l'anglais et qui finalement ne veut pas dire grand-chose, pour qualifier ce genre de création : badass. On pourrait traduire cela par sans compromis, coriace, agressif (pour rester poli). C'est exactement le cas pour Talyn, qui est une combattante de rue. Elle doit effectuer des séries d'affrontements qui sont de l'ordre du MMA, mais dans une version hardcore et face à de véritables monstres. On va y revenir. La lutteuse est motivée par la perte de sa sœur : la fillette a été enlevée et pour l'instant, le lecteur ignore quel a été son (tragique, forcément) destin, mais comprend très vite le sentiment de culpabilité qui anime la protagoniste, et aussi la rage qui la pousse à être violente. Nous parlions de monstres qu'elle tabasse; il faut dire que ce cœur des ténèbres est une histoire qui est située dans un univers où les simples humains comme vous et moi ne sont plus que de la piétaille et traités comme de véritables esclaves, dans une métropole dystopique qui porte le nom de Remnant. Là, ce sont plutôt les vampires ou encore les loups-garous qui font la loi; toutes ces créatures issues de la sorcellerie, de la magie démoniaque, dont nous peuplons nos contes à glacer le sang. Elles existent bel et bien et ce sont elles qui font la loi dans cet univers mis sur pieds par une équipe néo-zélandaise.
Talyn est en effet un projet qui voit le jour grâce au financement participatif et la plateforme Kickstarter, et qui trouve ses racines en Nouvelle-Zélande (Caspian Darke et Geoffrey Rickett au scénario). J'admets que sans la version française proposée par Black River, cette histoire me serait passé complètement au-dessus de la tête. La première chose qui frappe quand on feuillette vite l'album, c'est la noirceur de chacune des pages, avec une dessinatrice dont le pseudonyme est en soi tout un programme : Banished Shadow, qui propose la plupart du temps des cases au format horizontal, étirées comme autant d'écran 16/9 permettant au lecteur de découvrir un comic book qui défile comme un long-métrage. On sent en effet l'influence de l'animation japonaise et le trait fin et direct employé par l'artiste, ainsi qu'une colorisation et un traitement digital aussi glaçant qu'efficace, permettent de coller parfaitement à un lectorat jeune, qui retrouvera probablement dans cette histoire tous les codes auxquels il est habitué. Avec des personnages forts mais aussi très inquiétants, peut-on parler de comic book féministe ? Après tout, on y rencontre une héroïne au caractère bien trempé et à l'attitude très agressive… peut-être; toujours est-il que si dans un premier temps la lecture ne m'avait pas emballé plus que ça - le tout début est consacré à un flashback et c'est la partie faible de l'ensemble - au fur et à mesure des pages, on saisit mieux où veulent venir les auteurs et on apprécie progressivement cet univers sans concession et moderne. On peut-être surpris par contre de la brièveté de l'ensemble : trois épisodes, certes complétés par une partie bonus extrêmement conséquente, qui occupe la moitié de l'ouvrage, avec interview, croquis, illustrations. On mise clairement sur le plaisir des yeux chez Black River, pour un album qui ne trouve pas en nous son public cible, mais qui probablement rencontrera ses lecteurs, sans trop de problèmes.
(Série à suivre, en trois albums, probablement)
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