Finalement, peut être que Brian Bendis ne donne jamais autant se pleine mesure, que lorsqu'il a le temps et l'occasion de s'attacher à des personnages pris de manière individuelle, ou en tout petit groupe, comme sur Alias, Powers, ou encore le début de son run sur Daredevil. Et qu'il peut, de la sorte, nous enivrer avec des textes et un sens inné du dialogue qui fait mouche. Bendis se perd et nous ennuie quand il cherche à mettre en scène des combats ou des équipes de héros (les Avengers) où la causticité forcée de son écriture finit par être un problème pour la dynamique d'un récit choral. Ceci étant dit, le voir à l'oeuvre sur une nouvelle héroïne comme Scarlet, justicière solitaire poussée aux actes les plus extrêmes par un monde qu'elle souhaite dynamiter pour organiser sa propre révolution... le tout illustré par Alex Maleev, son compère talentueux (Daredevil, Spider-Woman)... comment refuser une telle invitation? Nous faisons la connaissance de Scarlet alors qu'elle est en train d'étrangler un homme, dans une impasse, juste avant qu'elle ne brise le fameux quatrième mur, pour s'adresser aux lecteurs. Un procédé un peu déconcertant et qui tombe d'emblée comme un cheveu sur la soupe, censé nous avertir que derrière cette entrée en matière violente, se cache un vrai discours de fond qui va nous être exposé. On apprend que le petit ami de Scarlet a été assassiné sous ses yeux par un officier de police corrompu. Elle aussi a été touché par balles et a passé plusieurs mois à l'hôpital. Le policier, lui, a eu droit à une promotion. Bref, le monde n'est pas rose, et certains bénéficient de passe-droits alors que d'autres sont privés des leurs, plus élémentaires. Je ne serai tout de même pas assez stupide pour dire que Bendis n'est pas un maître du noir, et qu'il n'est pas doué pour ce type de travail. Et pourtant, je reste sur ma faim avec Scarlet. Les explications et les justifications fournies par son héroïne sont du même acabit que celles que peuvent servir à pleines louches les agités d'Anonymous retranchés derrière leurs masques so marketing style, ou n'importe quel activiste gauchiste un peu agité du bocal. Aucune conscience politique structurée, Bendis veut écrire du comic-book de revanche et de vengeance, du Alan Moore version 2.0 dans un monde qui se prend de passion pour les conspirations et le terrorisme utile, comme arme légitime face aux gouvernements corrompus. Mais dans la bouche de Scarlet, tout sonne creux, exagéré, voire très étonnant, comme lorsqu'elle apparaît en public après avoir dessoudé plusieurs officiers de police, sans pour autant être inquiétée outre mesure pour son geste qui vaudrait la prison à vie, voire même de se faire abattre sur place par le Fbi, dans la vie réelle. Maleev est pour sa part très efficace dans la vision qu'il offre de Portland, avec une utilisation pertinente des tonalités grises et des couleurs saturées, appliqués à son trait urbain et concis, truffé de détails précieux dans les arrière-plans. Les visages sont peut être encore son point faible, pas très expressifs, un poil trop figés. Pour être honnête, j'admets que l'emploi du discours direct de Scarlet, à l'attention du lectorat, finit pat devenir moins ampoulé à la longue, et que j'ai fini par m'y faire. Mais si la forme est acceptable, le fonds reste plat, absurde, disproportionné. J'admets aussi en avoir assez de ces récits de révolution, de do it yourself, au dessus des lois, de western post-modernes où la fin justifie forcément les moyens. Je ne suis donc pas forcément le coeur de cible de cet album, qui j'en suis certain, trouvera assez facilement son public. Trop sombre et trop surfait à mes yeux, j'ai juste besoin de respirer et de passer à autre chose. Au moins le Punisher n'a t'il pas la prétention de nous asséner une grosse morale politico-sociale cousue de fil blanc, lui.
Rating : OOOOO ( Attention, cette note est donc bien subjective )