L'avantage avec les robots, c'est qu'on peut leur faire faire plus ou moins n'importe quoi, ils n'ont pas d'autre choix que de nous obéir, c'est-à-dire de respecter leurs programmations. Ils n'ont pas de revendications corporatistes ou sociales, ne se mettent pas en grève, ne sont pas censés avoir des émotions, des rêves, des aspirations. Ils ne sont pas non plus censés souffrir ou éprouver de plaisir. Du coup les humains ne se privent pas pour les exploiter de la pire des façons. Si vous voyez là un parallèle avec la manière dont sont considérés certains ouvriers par les grands patrons, vous n'êtes pas tout à fait loin de la réalité... c'est une des raisons pour lesquelles ce Magnus de Kyle Higgins est intéressant, à de nombreux points de vue.
L'histoire dans cet album bascule le jour où un robot commet un geste irréparable, c'est-à-dire un crime vis-à-vis de son "maître". Nous sommes très loin des lois de la robotique d'Isaac Asimov, qui régulent les fonctions et la morale des êtres cybernétiques de fiction, qui ne peuvent jamais porter atteinte à l'intégrité physique d'un être humain. Ici, cela s'est produit, et pour en savoir plus il va falloir mener l'enquête dans cet espace virtuel global que fréquentent tous les robots de la planète, une sorte de monde parallèle digital, où ils peuvent se connecter pour vivre une autre existence, se prélasser durant un court laps de temps autorisé chaque jour.
Dans cet autre univers, la révolution gronde, et la seule qui peut encore faire quelque chose et comprendre, c'est justement une cybernéticienne du nom de Kerri Magnus, qui a la particularité d'être la seule humaine à pouvoir rester connectée dans cet environnement particulier, pour un temps illimité, sans subir des dommages cérébraux irréversibles. Il faut dire qu'elle y a passé une grande partie de son enfance, ce qui fait d'elle le trait d'union parfait entre une humanité qui se sent menacée et perd les pédales, et des robots victimes de comportements dévoyés, et attirés par la violence.
Ajoutez à ceci le trait clair, limpide et très efficace, De Jorge Fornes, qui excelle dans la mise en page et le storytelling, et vous obtenez le genre de bande dessinée qui est passée un peu trop en dessous des radars, mais mérite vraiment qu'on s'y attarde, pour l'intérêt évident du scénario, la qualité intrinsèque de l'ensemble. Très intelligent et très pertinent, et c'est chez Paperback, la collection comics de Casterman.
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