Il fut un temps où Image comics n'était pas encore ce creuset de nouvelles séries artistiquement audacieuses et hétéroclites, mais plutôt la terre promise des plus grands dessinateurs contemporains de comic books mainstream, bien décidés à faire la nique aux éditeurs classiques, qui leur niaient la possibilité jusque-là de s'enrichir avec les aventures de personnages qui ne leur appartenaient pas. Jim Lee, Todd McFarlane, Marc Silvestri, Rob Liefeld et les autres décidèrent donc d'unir leurs forces, pour proposer tout un ensemble de nouvelles séries sur une structure inédite, avec des héros destinés à forger la légende et à faire exploser leurs comptes en banque à tous. Les années 1990, c'était également le paroxysme du dessin, le triomphe de l'énergie cinétique : au diable les anatomies et le réalisme, bonjour l'exagération continue, l'action à outrance, le découpage systématique des mirettes des lecteurs. C'était par ailleurs l'époque où les mutants, X-Men, X-Force et autres groupes de ce genre, dominaient le marché et les ventes de fascicules en Amérique. Raison pour laquelle Jim Lee et Brandon Choi misèrent sur une formation qui n'était pas sans rappeler celle rendue célèbre par Claremont et Byrne. L'idée initiale des créateurs d'Image Comics (et de Lee et Choi en particulier) était de construire un nouvel univers narratif, basé sur la lutte fondamentale entre le bien et le mal. C'est ainsi qu'une guerre entre deux races extraterrestres est née : les Kherubim (des anges, semblables aux humains mais dotés de grands pouvoirs. Les Chérubins, quoi) et les Daemonites (naturellement l'équivalent des diables, d'aspect effrayant, capables de posséder des corps et d'exercer un contrôle mental sur les humains, avec des ambitions de conquête. Des démons quoi, vous avez saisi…), qui se disputent l'avenir de l'humanité. Les deux voulaient contrôler le quadrant de la Voie lactée où se trouve la Terre, mais à la suite d'une bataille féroce, les deux races ont chuté et échoué sur notre planète. Le monde n'en a rien su, mais la guerre a perduré sur Terre, pendant des centaines d'années, influençant l'histoire et la mythologie. Au fil du temps, les Kherubim se sont fondus et mêlés aux terrestres, vivant essentiellement parmi nous, comme nous. Cependant, en 1990, un sans-abri apparemment sans futur va changer radicalement cet état des choses : il s'agit de Jacob Marlowe, autrefois connu sous le nom de Lord Emp, l'un des quatre Seigneurs de la Force Kherubim, un champion de l'humanité. Bien sûr, en le voyant vêtu de haillons, ivre et sans aucune perspective d'avenir, personne ne pourrait l'envisager… mais il faut croire en Void, un être doué de prescience et assez séduisant, qui va progressivement "réveiller" la vraie identité de Marlowe. Celui-ci redevient un homme riche, puis fonde une équipe d'assaut chargée de protéger notre planète. Les WildC.A.T.s sont nés, bourrins en diable, truffés d'armes en tout genre, agressifs à souhait.
Question bête : qui est qui, dans cette équipe ? Le tome 1 chez Urban Comics répond d'emblée à la question. Nous aussi. Dans ces premiers épisodes, voici l'essentiel à savoir
Spartan : Hadrian est un cyborg dernier cri, créé sur la planète Khera, capable d'émettre de puissantes rafales de plasma; on peut y voir le leader des X-Men, Cyclope, par son caractère strict et inflexible, d'autant plus qu'il entretiendra aussi une liaison avec un membre de l'équipe, Vaudou. On découvre plus tard qu'il est l'incarnation d'un héros mort depuis longtemps, John Colt, alias le Seigneur des Kherubim, Yohn Kohl.
Zelote : Zannah est membre de la secte ninja de la Coda, une tribu exclusivement féminine de guerrières extraordinaires, ayant vécu pendant des millénaires et ayant eu de nombreuses relations avec les êtres humains. Elle est le binôme inséparable de Grifter, le seul homme formé par la Coda. Zelote est basée sur le personnage de Wonder Woman de DC Comics (une immortelle élevée dans un environnement matriarcal) et le personnage d'Elektra de Marvel Comics (une assassine experte dans l'art des ninjas).
Vaudou : Priscilla Kitaen, une hybride Humain-Daémonite, avec des pouvoirs télépathiques, qui a la capacité de voir les Démons quand ils possèdent des êtres humains et peut les séparer de leurs corps (les exorciser). Elle est la seule capable de calmer son compagnon Maul, lorsqu'il perd (souvent) le contrôle. Les premiers temps, son habileté au combat apparaît moindre que celle de ses coéquipiers.
Grifter : Ancien membre de l'équipe gouvernementale militaire Team 7, Cole Cash est le seul homme jamais formé par la Coda. Grifter représente le héros solitaire du groupe, en opposition à l'autorité de Spartan, même s'il reste clairement attaché à sa partenaire, Zelote. Il est le seul membre de l'équipe à ne pas avoir de super-pouvoirs, mais c'est un tireur d'élite exceptionnel, qui ne rate jamais sa cible. Hawkeye ?
Maul : Hybride humain-kherubim capable d'augmenter sa masse au détriment de sa capacité de raisonnement. L'augmentation de la force au détriment de l'intelligence rappelle le personnage de Hulk de Marvel Comics : en réalité, Maul est un scientifique, lauréat du prix Nobel, nommé Dr. Jeremy Stone. Tout comme Bruce Banner. Copier/Coller?
Warblade : Hybride humain-kherubim capable de transformer certaines parties de son corps en n'importe quelle arme solide. Warblade est un expert en arts martiaux. Bien qu'il soit potentiellement une machine à tuer, Reno Bryce a aussi l'âme d'un artiste; il a sculpté plusieurs œuvres exposées dans des galeries d'art. Il a une coiffure verte assez étrange. L'utilisation de "griffes" ou rasoirs rappelle vaguement Wolverine, en plus dingue encore.
Void : Une créature capable de préscience, de téléportation et de manipulation de l'espace-temps, qui a la capacité de saisir différentes lignes temporelles, en raison de sa rencontre avec l'entité cosmique Orb. On découvre qu'elle était autrefois une cosmonaute russe, Adrianna Tereshkova, décédée après l'arrivée d'Orb dans l'espace et une collision avec la station spatiale Mir.
Lord Emp : Jacob Marlowe est un multimilliardaire propriétaire des médias et des technologies de la Corporation Halo. Bien qu'il ait été autrefois un seigneur de guerre kherubim, Emp ne se souvient pas de son passé et n'a aucun contrôle sur les pouvoirs dont il disposait autrefois. C'est Void qui l'a sorti de sa condition de sans-abri, pour en faire le riche financier des WildC.A.Ts. C'est le leader du groupe, sous l'apparence d'un nain aux cheveux grisonnants, avec une certaine gouaille typique de l'époque. Un Nick Fury Professor Xavier court sur pattes.
WildC.A.T.s est donc un document d'époque; ce sont les années 1990 qui prennent corps devant vous, au cas où vous ne les auriez pas vécues. Autrement dit, le scénario du premier tome de cette intégrale est relativement simple : de la baston de la première à la dernière page, des armes ultra sophistiquées (canon à plasma qui vomissent leur puissance), des costumes paramilitaires et des héroïnes aux jambes improbables, la plupart du temps suffisamment dévêtues pour retenir votre attention, à jamais. Une recette qui a fait ses preuves, avec de la violence, de la testostérone, de l'érotisme, des mâchoires crispées et des muscles en abondance. Dès le départ, il s'agit de contrer la menace de Helspont et de sa "cabale" (le but est de réunir tous les Daémonites) qui sont sur le point de gagner la partie, en créant toute une série de nouveaux hybrides pour conquérir la planète, mais aussi de lancer un signal rassembleur à partir d'un orbe spatial. Ensuite, il sera question de se frotter à un autre groupe célèbre de la première période d'Image Comics : Cyberforce, cette fois-ci dirigé et dessiné par Marc Silvestri. Cyberforce, c'est plus ou moins la même chose, ça fonctionne sur le même modèle et finalement, ce choc n'est que la version moderne du traditionnel rendez-vous entre super-héros, qui naît sous le saut de l'incompréhension. Tout le monde tape sur tout le monde avant de se rendre compte que les intérêts sont identiques. D'autant plus que la splendide Misery et ses pouvoirs psychiques viennent perturber les hormones des mâles que sont Warblade et Rpiclaw et pousser les deux fauves aux lames acérées à s'entretuer. Il est donc question de vengeance personnelle, de trahison, d'égos et de désir (d'amour ?) dans cette tragédie sanguinolente; Le tout est orchestré par un jeune Jim Lee qui est des plus généreux, dans chaque case. Les personnages défilent, sautent, tirent, saignent, affichent des poses improbables. C'est l'épate à chaque planche, l'outrance comme code de conduite, le cassage de rétine permanent, si on est sensible à cette esthétique guerrière et agitée. Ce sont les années 1990, c'est juste légendaire, dans le bien comme dans le mal. Et ce n'est pas fini. Très vite, on prolonge notre plongée dans cet univers, avec le second tome. Même adresse, plus tard dans la semaine !
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