D'un côté, nous avons le Diable en collants rouges, qui fête son soixantième anniversaire. De l'autre, Echo, qu'il convient de mettre en avant, puisque l'héroïne de sa propre série télévisée sur Disney Plus (n'oubliez jamais le décalage existant entre publications VO et Vf, en général un bon semestre). Une double bonne raison pour réunir ces deux personnages dans une même mini série, d'autant plus qu'ils ont déjà un passé commun et évoluent peu ou prou dans les mêmes ambiances, au même niveau. Dans cette histoire, il est question de pouvoirs magiques, d'ancestrales malédictions, avec une Super Bouffonne (dans le sens de Demagoblin) qui tente de réveiller une créature maléfique, liée au passé des protagonistes de la série. Qui fonctionne donc sur deux lignes temporelles, avec la première moitié du dix-neuvième siècle d'un côté, et le monde contemporain de l'autre. Les scènes du passé sont l'occasion de découvrir un des ancêtres de Matt, un certain Jimmy Murdock, mouton noir de la famille car criminel notoire, même si en phase de rédemption, puisqu'il choisit d'entrer dans le giron de la protection de l'église. Mauvaise idée de se fier au prêtre de Saint Mathew, église de la proto New York d'alors, car il va s'y retrouver sacrifié pour invoquer ce même démon dont on a déjà parlé. On nage en pleine atmosphère Gangs of New York tandis que tout ce qui s'est déroulé des siècles auparavant va avoir des répercussions sur le présent. Une actualité très sombre, lorsque Daredevil enquête (avec Elektra) sur un criminel qui prélève des organes différents sur chacune de ses victimes. Lorsque la dernière d'entre elles est une vieille connaissance de Maya Lopez, le prétexte est tout choisi pour aller avertir la belle amérindienne et la faire entrer dans la danse. Une sarabande un poil complexe, à laquelle vont se joindre d'autres personnages connus.
Comme cet album intitulé Mythe et réalité est proposé en concomitance avec le 60e anniversaire de Daredevil, on évitera bien entendu de le comparer aux grandes heures du personnage, sous peine d'être déçu. Il s'agit avant tout d'une aventure à lire pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un prétexte pour mettre ensemble le héros aveugle et l'héroïne sourde et les confronter, avec chacun de leur côté, un ancêtre qui a dû, à un moment donné, faire union également pour repousser une menace dont les accents lovecraftiens sont assez évidents. Il est question aussi d'enfants qui sont enlevés et utilisés pour la cérémonie qui se déroule dans le présent, mais très honnêtement, ça ressemble presque, au bout d'un moment, à un détail du récit. Tabou et B.Earl essaient de mélanger le plus habilement qu'ils le peuvent des élucubrations sur la foi chrétienne, mais aussi sur les traditions païennes, ce qui explique la manifestation d'un démon dans une chapelle, invoqué par un prêtre. Ça finit d'ailleurs par devenir un talon d'Achille pour Daredevil, ce salmigondis permanent (vous le verrez bientôt dans la nouvelle série de Saladin Ahmed) : à force d'utiliser le discours sur la religion de manière pompière et sans véritable inspiration derrière, ça en devient rébarbatif. Restent les dessins de Phil Noto, qui fait partie des artistes que nous apprécions beaucoup ces dernières années. Il propose des planches plastiquement très réussies avec des personnages fouillés et riches en détails, et un petit côté rétro qui n'est pas sans donner du cachet à l'ensemble. En cadeau bonus, car il n'y a que 4 épisodes, les lecteurs pourront découvrir un long numéro intitulé Elektra #100, qui ressemble un peu à un fourre-tout pas vraiment indispensable, si ce n'est le plaisir de voir à l'œuvre le dessinateur Stefano Raffaele, qui convoque l'amour unissant Daredevil et Elektra. À réserver aux fans véritables de Daredevil, en quelque sorte.
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