ULTIMATE SPIDER-MAN POUR COMMENCER LA NOUVELLE COLLECTION HACHETTE


Presque soixante ans se sont écoulés depuis que Stan Lee et Jack Kirby ont eu l’incroyablement bonne idée de lancer le personnage de Spider-Man sur le marché des comic books. Au tout début du XXIe siècle, c'est la ligne Ultimate qui voit le jour. Les fans de l'Homme Araignée vous le confirmeront, presque quatre décennies, c’est long, en termes de pages accumulées, de sagas à lire et relire, ça en fait des événements ! Allez donc expliquer comme ça, de but en blanc, au néophyte, la longue dynastie des Bouffons, la mort de Gwen Stacy (et de son père !), les combats épiques et naïfs d’autrefois, contre le Docteur Octopus, le Shocker, ou encore le Kingpin, le fils Jameson transformé en loup-garou et Ben Reilly le clone de Spidey qui refait surface une fois par an, sous tous les avatars possibles et imaginables… La seule façon qu’il aura, pour ne pas se noyer dans la masse des informations, c’est de dire : "Pouce !" Du coup, Ultimate Spider-Man, alors, ne serait-ce pas plus simple à mettre en les mains de ceux qui n'ont rien connu de tout ce qu'on a mentionné ? Et bien oui, c’est fait pour, un retour aux sources, une seconde vie plus ou moins librement calquée sur la première, pour tout un univers qui aura l’occasion de déployer ses propres racines, en tâtant le pouls du lectorat du nouveau siècle, aussi bien à travers une structure narrative plus électrique et décousue, que dans le langage jeuniste adopté ("ptit slip" dans la bouche de Peter et de ses amis, ça sonne quand même assez innaturel et un tantinet crétin, je trouve…) que Parker et ses amis emploient entre eux. Ultimate, dans les intentions, c’est le second avènement, Marvel qui auto engendre sa seconde génération, dans un contexte radicalement différent, où le sens du merveilleux, qui a servi de terreau à la "first generation" s’est totalement dilué dans un quotidien compulsif, blasé, et bien plus violent et désabusé. Ici, une araignée génétiquement modifiée mord un Parker tout aussi épris de la science et en butte aux quolibets de ses camarades de classe. Il acquiert des pouvoirs incroyables, les utilise pour gagner un peu d'argent (encore et toujours les combats de catch. Bendis pouvait se creuser un peu plus les méninges) mais il laisse échapper un simple voleur à la tire, qui va par la suite assassiner son Oncle Ben. Geste fondateur, l'apprentissage des responsabilités, à la dure. Mais assez vite le problème de base s’est posé à nouveau : dès la première année d’aventures de la nouvelle mouture de Spider-Man, les interactions entre personnages, les amis et ennemis rencontrés au fil des mois, ont fini par recréer une trame de fond complexe, qui à terme ne pouvait qu’amener les mêmes difficultés pour le lecteur débutant, que celles que rencontrait le novice d’Amazing Spider-Man. Ce qui fait la force des comics, c’est aussi ce qui fait leur faiblesse, et rebute nombre de potentiels amateurs. D’où les très fréquents "relaunch" à base de catastrophes, de cataclysmes (Ultimatum) ou de magie salvatrice (House of M , One more day, Secret Wars, dans l'univers traditionnel). Du coup, on peut relire ces épisodes avec nostalgie et émotion. Ils restent si pertinents…



Hachette vient donc de lancer une nouvelle collection qui va vraisemblablement intéresser beaucoup de monde : tout l'univers Ultimate, à commencer par ce premier tome qui comprend treize épisodes de Ultimate Spider-Man; voilà une offre alléchante, qui démarre avec un prix de lancement à 3,99 et qui à partir du numéro 3 se stabilisera à 15, 99. Nous parlons tout de même d'albums qui peuvent atteindre les 250/300 pages et d'une belle qualité finale avec, cela plaira aux collectionneurs, une jolie frise sur le dos. Ultimate Spider-Man c'est aussi le royaume de Brian Bendis et Mark Bagley. Le scénariste est au sommet de son art qui consiste à multiplier les dialogues, à retravailler la tradition de l'héroïsme et du soap opera conjugés, avec désinvolture et naturel. Le dessinateur est parvenu à incarner parfaitement dans l'imaginaire collectif le personnage de Spider-Man, que ce soit le traditionnel ou le Ultimate. Certes, on peut regretter qu'à la longue une certaine monotonie s'installe dans la manière de représenter les personnages, mais au final et avec le recul, on se rend compte qu'il a atteint une régularité et un niveau qualitatif moyen qui forcent le respect. Le Peter Parker Ultimate est plus maigre, naïf et disgracieux, tout comme la Mary Jane Ultimate est loin d'être une femme fatale et mannequin/actrice pour la télévision. Cette réinterprétation juvénile et moderne a connu un succès retentissant, à relire dans ce premier volume, qui marque aussi l'apparition du Bouffon Vert Ultimate mais aussi de Wilson Fisk, le Caïd, avec un avatar qui est finalement très proche de celui que nous connaissons déjà. Nous tenons là une des réussites artistiques et commerciales les plus évidentes de Marvel au 21e siècle, bref, un pavé absolument indispensable, aussi bien dans l'histoire de Spider-Man que pour découvrir la collection Hachette.



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