MISTER MIRACLE : UN PETIT BIJOU DE TOM KING ET MITCH GERADS

Parfois, elles arrivent sans crier gare, ces séries qui sur le papier ne sont pas celles qui suscitent le plus de frissons, mais sont dans les faits la crème de la production actuelle de comics. Je parle, cette fois, de Mister Miracle, de Tom King et Mitch Gerads. Après avoir livré une splendide histoire de la Vision chez Marvel, le scénariste de Batman s'occupe de Scott Free et des Nouveaux Dieux, et c'est simplement jouissif. 
Scott Free est le maître absolu de l'évasion, il peut s'échapper de tout, en toutes circonstances. Mais cela est-il valable pour les démons intérieurs qui lui rendent la vie insupportable, par moments? Le numéro absolu, c'est de tromper la mort elle-même. Parabole du suicide, bien entendu. Mister Miracle, c'est le malaise en continu, une existence perturbée, pourtant partagée avec la sculpturale Big Barda, plantureuse créature qui se plaint elle-même d'être "trop grande". Mais pour quoi, pour qui? Comme le rappelle Mamie Bohneur, qui a élevé dans d'atroces épreuves les deux amants, on est tous quelque chose de "trop". 
Les sentiments de Scott, ses failles intérieures, tout ceci est raconté avec brio, et vient recouper les événements récents de Darkseid War, avant c'est évident, de plonger dans l'univers du Quatrième Monde de Jack Kirby. On y apprend que le Haut-Père a été terrassé, que Darkseid est passé à l'offensive ultime, grâce à l'Equation d'anti-vie, et que Orion est monté sur le trône, alors que la réalité s'efface lentement derrière un jeu de miroirs, de trahisons, de paranoïa galopante, où il devient difficile de démêler le vrai du faux, ce qui est une certitude, et ce qui est ecran de fumée. On saute de l'univers épique des Nouveau Dieux, à la réalité prosaïque de l'appartement de Scott. De la possibilité d'un conflit d'ampleur cosmique, à l'introspection chaotique et traumatique d'un homme composant avec la fuite de ses certitudes. Les Dieux les plus humains de l'histoire des comics sont ici passés à la moulinette existentielle et psychologique de Tom King, et c'est tout bonnement extraordinaire.
Mitch Gerads est excellent dans son style tourmenté, jouant sur la répétition de certaines scènes, dans l'introduction en pleine vignette d'éléments venant faire basculer le réel, la perception du lecteur, faisant mine de perturber le message, l'image, jouant avec sa portée, sa réalité. L'utilisation de la grille en neuf cases est intelligente, et démontre qu'il est possible de renverser les codes du classicisme figé, pour en faire quelque chose de hautement novateur, qui dynamite nos certitudes, pour nous maintenir en permanence dans l'inspiration artistique de haute volée. 
La grande révélation de cette fin d'année. Une des rares sorties sur lesquelles se jeter le mercredi, pour en profiter sans retenue, le temps que ça dure. Un ovni! 


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