GROUNDED : DE MARK SABLE ET PAUL AZACETA

Qui n'a pas eu l'envie, jeune gamin, d'être un super-héros? Certes, il ne faut pas non plus que ça tourne à l'obsession, mais c'est un désir légitime, que de devenir une de ces icônes en costume moulant, qui sauvent le monde et courent vers la gloire, quand on est encore innocent et assez naïf pour ne pas voir le monde super-héroïque avec le recul et l'esprit critique du lecteur adulte. Jonathan est dans ce cas. Pour lui, ce n'est qu'une question de temps. L'obtention de pouvoirs est inéluctable, il se demande seulement quand ils vont arriver. Parfois il se teste, histoire de faire le point sur la situation. Si faire la course contre un train est voué à l'échec et fait sourire, se jeter du toit de la maison au risque de se fracasser tous les os à l'atterrissage est bien plus discutable, et dangereux. Se coudre un costume et se coller des ailes postiches dans le dos ne sert à rien, si on veut émuler ces créatures de papier qui sillonnent les cieux de nos comic-books. Pourtant Jonathan a fait une découverte stupéfiante : ses parents ont des super-pouvoirs! Il s'en est rendu compte le jour où il a surpris son père au lit avec une autre femme, sorte de copycat de Wonder Woman. Le géniteur n'est autre que Apollon, le leader d'une équipe qui n'est pas sans évoquer la Justice League de Dc Comics. Hélas pour le gamin, la transmission filiale n'inclut pas les dons merveilleux, et Jonathan reste désespérément normal, même lorsqu'il est envoyé dans une école (pastiche du manoir des X-Men) où les étudiants semblent tous avoir des pouvoirs particuliers, et où il est le seul humain normal à frayer au milieu d'autres jeunes capables de courir à la vitesse de la lumière, possèdent une super force, ou sont intangibles. Même l'infirmière du lycée est remarquable : c'est un virus qui se sert de ses hôtes pour exister et pratiquer. 


Si la seconde partie de Grounded avait été à la hauteur de la première, Mark Sable aurait probablement accouché d'un chef d'oeuvre. Mais ce n'est pas le cas, malheureusement. Toute la période de la prime enfance, la volonté d'avoir des pouvoirs, les tentatives ratées, tout cela est réjouissant, frais, truffé d'humour, sensible et bien écrit. L'entrée dans l'école pour jeunes surdoués est également bien vue, mais c'est une fois les étudiants mis en place, et menacés par des ennemis qui désirent atteindre les parents à travers la progéniture, que le récit devient trop confus et brouillon par moments. Sable veut poursuivre sur une voie ironique et drôle, avec de nombreux clins d'oeil aux comic-books que nous lisons chaque mois, mais la corde finit par s'user quelque peu alors que tout l'aspect action/suspens/aventure souffre d'un manque de clarté et d'enjeux véritables. Le dessinateur est Paul Azaceta, dont je ne rafole pas spécialement, pour être honnête. Son bref passage sur Amazing Spider-Man avait été un ratage mémorable, par exemple. Mais là il s'applique à rendre des planches jouant admirablement bien sur la naïveté apparente du propos, magnifié par les couleurs pertinentes de Nick Filardi. Interprété comme une sorte de métaphore, de parabole de l'entrée dans l'âge adulte, Grounded reste une mini série surprenante et décalée, avec de longs moments de fulgurance et une conclusion plus poussive qui gâche les possibilités entrevues. L'album en Vf est sorti chez Angle Comics (un très bel objet fort soigné, soulignons le) et la Vo est aux éditions Image. Mérite assurément que vous vous y penchiez, si vous ne connaissez pas encore. 



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