Nous embarquons pour le Japon à l'ère féodale, à la fin du 16e siècle. Pas besoin d'une machine à remonter le temps, il suffit de se rendre chez votre libraire de confiance, à partir du 28 juin, et de vous procurer Hitomi, une bande dessinée publiée dans un grand format très élégant, ce format employé pour évidemment séduire les amateurs de productions européennes "plus traditionnelles", récurrent chez Urban Comics. HS Tak nous raconte l'histoire d'une jeune fille (Hitomi, donc) dont toute la famille a été assassinée par un samouraï, des années auparavant. Le type s'appelle Yasuke et c'est un individu très particulier, étant donné le contexte. C'est le seul samouraï à la peau noire. Il est entré à la cour de Nobunaga, grand seigneur local, à son arrivée au Japon. Etant donné la particularité évidente qui le distingue des autres et le racisme qui était en vigueur à une période où l'étranger et la différence n'étaient pas monnaie courante, Yusuke aurait dû être destiné à devenir un esclave et ne pas vivre très longtemps. Mais il a été élevé par un prêtre jésuite et il est devenu une véritable attraction au Japon. Mais aussi un samouraï dont les compétences en matière stratégique ont été fortement appréciées. Il s'agit d'un personnage réel, qui toutefois a disparu des radars dès l'instant ou est mort le "daimyo" Nobunaga. Du reste, lorsque Hitomi le recherche pour obtenir vengeance et satisfaction, au début de notre ouvrage, tout le monde a perdu la trace de Yasuke. La gamine interroge ceux qu'elle croise, que ce soit des adultes bienveillants ou un petit voleur avec qui elle partage quelques mésaventures, mais personne ne semble pouvoir la renseigner. Jusqu'au jour où elle chute dans un lac gelé, coule, et semble vouée à une mort certaine. Sauf qu'une main tendue la sauve du désastre… et cette main, c'est précisément celle d'un samouraï à la peau sombre, celui qu'elle désirait tant retrouver !
Yasuke n'est pas véritablement un héros. Le prendre comme modèle lorsque l'on souhaiterait devenir samouraï, ce n'est pas forcément ce qui est le plus souhaitable. Car à première vue, celui qui fut autrefois réputé et craint a aujourd'hui décidé de renoncer à combattre. Il fuit même dans des situations où c'est l'honneur qui est en jeu, lorsque dans une taverne la petite Hitomi est victime de remarques grivoises. En fait, le "patriarche" est aujourd'hui à la recherche d'une certaine forme de sagesse qui s'apparente presque, par moments à de l'ataraxie. Il s'en sort avec quelques maximes philosophiques, applique une pensée logique et raisonnable plutôt que de se lancer dans de nouveaux exploits sanglants, qui n'apportent rien en fin de compte, si ce n'est se mettre en danger, mettre en danger les autres. Oui mais voilà, l'étrange binôme formé par les deux personnages principaux (sur des bases qui, nous l'avons vu, sont viciées) va devoir également se confronter à l'Histoire avec un grand H. La guerre, par exemple, qui est monnaie courante à l'époque du Japon féodal. La guerre, cela veut dire prendre le parti d'un des deux camps ou au contraire, choisir de s'exiler, de tourner le dos au conflit. C'est là que les chemins de Yasuke et de Hitomi vont se séparer, avant de devoir se recroiser à nouveau en fin d'album, pour ce qui semble être une leçon, où l'on comprend que ce n'est pas forcément celui qu'on pense qui est destiné à apprivoiser l'autre. Le tout est dessiné avec une douceur empreinte de poésie par Isabella Mazzanti. Le style est en effet assez proche des gravures japonaises; on y retrouvera par exemple cette amour de la nature et en même temps, une attention évidente portée aux personnages, toujours saisis sur le vif, toujours à la recherche de leurs émotions, qui transparaissent à travers un regard, une moue, leur gestuelle. L'ensemble ne manque vraiment pas de charme et cette mini série publiée par Urban vient rompre très agréablement avec un grand nombre de lectures récentes : insolite et très personnelle, rien que pour cela, à tenter absolument. Sortie le 28 juin.
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