Jason Todd est mort. Même si en apparence, cela va beaucoup mieux depuis. Au cas où vous l'ignoriez encore, il s'agit du second Robin dans la chronologie des sidekicks de Batman, juste après Dick Grayson. Si le premier était bondissant et souvent joyeux, le second s'avérait taciturne, violent et issu d'un quartier malfamé, où il avait vécu une enfance malheureuse. Pire encore, Jason a terminé sa carrière de diablotin costumé à coups de barre de fer sur le crâne, assénés par un Joker au summum de sa cruauté. Certes, il n'est pas le seul responsable de cet effroyable assassinat puisque ce sont en fait les lecteurs eux-mêmes qui en avait décidé ainsi, à l'issue d'un sondage organisé par l'éditeur DC comics. Un petit rappel humoristique et sagace s'est glissé dans les dialogues, dès les premières pages de ce Get Joker qui nous intéresse aujourd'hui. Brian Azzarello nous présente un Jason Todd en cellule; clairement sa libération n'est pas prévue pour tout de suite, à moins que ne se produise un fait inattendu, comme par exemple la visite d'Amanda Waller, qui est aussi la directrice d'un projet très spécial, qui agit à l'abri des regards, dans l'ombre de tous les organismes gouvernementaux recensés. Le projet X est d'ailleurs beaucoup mieux connu sous l'appellation de Suicide Squad, ce qui est tout un programme. Waller décide alors de recruter Jason en lui proposant une importante remise de peine contre ses services. Pour l'aider dans sa mission, elle l'incorpore dans une formation composée majoritairement de seconds couteaux ou de dingos aussi méconnus que dangereux, à l'exception d'un personnage très appréciée de tous (les lecteurs), la pétulante Harley Quinn. Jason finit par accepter… Ah, comment..? Je ne vous ai pas dit ce qu'il est censé faire? Et bien, rien de bien spécial, trois fois rien, c'est-à-dire enfin se débarrasser du Joker, le clown du crime, qui passe plus de temps à s'évader ou en liberté, que derrière les barreaux. Nul doute que si on le supprimait une bonne fois pour toutes, les impôts des contribuables de Gotham en seraient particulièrement allégés…
La mini série de Brian Azzarello était bien sûr prévue à l'origine pour surfer sur la vague du succès espéré du film de la Suicide Squad, de James Gunn. Problème, si les deux premiers numéros sont sortis à l'heure, il a fallu attendre six mois pour que le troisième et dernier soit enfin proposé aux lecteurs; entre-temps, la hype était retombée. L'ensemble est particulièrement violent et construit comme un blockbuster d'action, avec toute une série de trahisons, de complots, jusqu'à l'apparition d'une autre formation de la Suicide Squad, qui vient se mêler à la bagarre générale (celle emmenée par Peacemaker, comme au cinéma, cela va de soi). Mais elle débarque comme un cheveu sur la soupe, sans que cela apporte grand-chose à l'histoire, si ce n'est obliger la bande de Jason Todd et le Joker à se retrouver bien plus proches qu'ils ne le pensaient au départ, c'est-à-dire tous menacés de se faire trucider, aussi bons ou méchants soient-ils. Les dialogue sont très crus, avec de très nombreuses insultes d'une planche à l'autre, parfois (dans les premières planches) remplacées par des signes typographiques qui font que le lecteur devra imaginer le terme de son choix, d'autres fois de manière directe et presque malaisante. Alex Maleev propose un travail soigné et qui correspond à ce que on peut attendre de lui et de son style particulier. De ce côté, il y a peu de choses à lui reprocher, si ce n'est l'apparence du Joker, avec ses petites cornes dessinées sur le front, qui ont tout de même un petit côté ridicule. Le vrai problème de Get Joker c'est qu'on a du mal à vraiment comprendre où veut en venir Aazzarello. S'il se passe toujours quelque chose et que les amateurs de comics qui défouraillent et analysent la situation après vont en avoir pour leur argent, les autres risquent d'être un peu déroutés, car en dehors de cette débauche armée, il n'est pas certain qu'il y ait vraiment quelque chose de pertinent à retenir. Du coup, on tient la une histoire qui sans être ennuyeuse ou totalement ratée, passe clairement à côté du grand potentiel de son sujet. Reste du Maleev sur le Black Label, et on a vu bien pire côté esthétique, je vous assure! Un argument qui pourrait alors vous convaincre d'acheter cet album, qui m'a fait l'effet d'une surprise avortée.