WINTER ROAD : ENCORE UN CHEF D'OEUVRE DE JEFF LEMIRE CHEZ FUTUROPOLIS

Comme cela est très souvent le cas avec les récits de Jeff Lemire, le protagoniste de Winter Road est Derek Ouelette, un cabossé de la vie, ancien hockeyeur professionnel, qui a été radié à jamais de la Ligue pour avoir commis en match un acte de violence de trop, particulièrement cruel et intentionel,  sur un adversaire qui l'avait provoqué. Derek est un dur à cuire, mais c'est aussi un alcoolique, une personne dont les affects et les racines familiales sont bien trop fragiles pour lui permettre d'affronter la vie sans heurts. La réponse aux problèmes qui se dressent devant lui réside dans ses poings. Fort heureusement pour lui, le shérif local (Ray) est un ami, qui fait preuve de bon sens et lui évite la prison, lorsqu'il tabasse deux fans maladroits venus réclamer un selfie de trop. Derek habite dans le vestiaire de la salle de sport locale, et travaille dans un modeste snack où il débite de la pomme de terre au kilomètre. Ses seules relations sociales stables sont celles avec la bouteille. Son existence va changer le jour où Beth, sa petite sœur, revient le voir alors que les deux ne se sont pas rencontrés depuis de longues années. Mais celle-ci cache un lourd secret qui va être rapidement éventé : elle aussi est un peu une larguée de l'existence, et dès la première soirée chez Derek elle est retrouvée étendue, droguée comateuse, étalée sur le sol du modeste logis de son frère. La seule solution qui se présente est d'entamer une sorte de cure de désintoxication en pleine cambrousse, par un froid polaire, loin de tout, dans ce Canada sauvage et isolé qui est souvent la toile de fond des histoires humaines de Lemire. D'autant plus que Derek a tabassé sauvageusement ceux qu'il accuse d'avoir fourni le stupéfiant, et qu'il faut qu'il quitte la ville le temps que ça se tasse...




Comme si cela ne suffisait pas, Beth est recherchée par son petit ami, une sorte de dealer ultra violent lui aussi, qui s'est mis en tête de récupérer celle qu'il considère comme son bien et qui attend un enfant. Fidèle à son habitude, Jeff Lemire n'a pas son pareil pour caractériser ses personnages; il prend le temps qu'il faut pour les installer, les crédibiliser, et on finit par s'y attacher terriblement, malgré toutes leurs failles, leurs défauts évidents. Il s'agit là d'un récit profondément humain, sensible et touchant, empreint d'un pessimisme évident, mais qui contient aussi en son sein l'arc-en-ciel d'espoir qui prouve que l'auteur n'est pas seulement un nihiliste convaincu, bien loin de là. Jeff Lemire a fait des progrès incroyables au dessin également, ici son style qui va à l'essentiel et mise sur les émotions, fait merveille, et la manière qu'il a de colorier subtilement certaines pages avec des aquarelles bleutées ou grises, en demie-teinte, est absolument splendide. Parfois la couleur vient animer les pages, pour évoquer les souvenirs des personnages, et cela donne des planches d'une beauté enivrante. Winter Road (Roughneck en VO) est une réussite incontestable, une perle à se procurer de toute urgence, qui entre de plein-pied parmi ce que Jeff Lemire a fait de plus beau. Oeuvre à lire et à relire, qui ne laisse aucunement impassible. 



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