Urban Comics a eu l'excellente idée de lancer il y a quelques mois une collection d'albums intitulés « Chronicles » ; des volumes qui permettent de retrouver l'intégralité de la production concernant un héros ou un groupe de personnages à partir d'une date choisie. Batman a eu l'honneur du premier jet, c'est au tour désormais de nos patriarches du super-héroïsme de la JSA, avec un tome fort abondant pour débuter, centré sur toute la production de l'année 1999. C'est James Robinson et David Goyer (également scénariste apprécié au cinéma) qui se chargent de faire revenir la Société de Justice sur le devant de la scène, grâce à une histoire particulièrement efficace et classique qui fonctionne sur un modèle déjà éprouvé. Un ennemi surpuissant qui se présente et qui oblige le groupe à diviser ses forces pour en venir à bout, et enfin une résolution finale faite d'héroïsme, de sacrifice, du besoin de resserrer le lien entre toutes les générations. Présentée au départ sous la forme d'un numéro nostalgique de All Star comics, l'histoire que vont mettre sur pieds les deux auteurs s'articule autour d'une confrontation entre tous nos héros et une espèce de dieu devenu fou qui se fait appeler Stalker. Ce dernier apparaît dans le ciel de Washington avec un plan terrible, mettre fin certes à la guerre et à toutes les tensions qui règnent sur la planète, mais de la manière la plus expéditive et insensée qu'il soit, c'est-à-dire en annihilant toute forme de vie. Bref, quand il n'y aura plus d'hommes, il n'y aura plus non plus de guerre. Stalker est doté d'une puissance incommensurable et pour en venir à bout la JSA va être obligée de puiser dans ses dernières réserves. Néanmoins, le groupe va parvenir à mettre en échec le nouveau venu, mais celui-ci, avant de battre momentanément en retraite, parvient à éparpiller sept de ses disciples aux quatre coins du monde pour poursuivre son œuvre. La menace n'est pas complètement écartée et il faut alors que notre super formation divise ses membres en petits groupes de deux pour pouvoir s'occuper de chacun des disciples du mal. Nous retrouvons alors une série d'épisodes spéciaux qui portent le nom d'anciennes revues de l'âge d'or des comics (comme par exemple Smash Comics, Sensational Comics ou Star Spangled comics) et des associations comme Sandman et Star Spangled Kid (qui deviendra Stargirl par la suite), ou encore Hawkgirl et Wonder Woman, sans oublier The Flash aidé par Mister Terrific. Tout ceci converge dans un second numéro de All Star comics où va avoir lieu l'affrontement final entre tous les personnages. Ce sera aussi l'occasion de sceller le destin de Hourman, qui est appelé à disparaître pour être remplacé par une sorte d’androïde venu du futur mais basé sur les schémas cérébraux de l'original. Un grand écart entre classicisme le plus total et tentative de servir ces personnages à une sauce moderne. Chaque numéro est illustré par un dessinateur différent, la plupart du temps très convaincant, et on remarque également d'autres scénaristes de renom qui viennent prêter main forte. Par exemple, on lira ou admirera du Chuck Dixon, Stephen Sadowski (alors sur la rampe de lancement) ou encore Mark Waid et Aaron Lopresti, parmi ceux qui interviennent avec brio.
Pour tout comprendre des personnages, rien ne vaut, en définitive, de bonnes vieilles fiches individuelles. On en trouve dans un numéro spécial intitulé JSA secret files, que Robinson s'est vu commissionné au dernier moment par DC Comics, alors qu'il planchait (avec son compère Goyer) sur les premiers épisodes de la véritable nouvelle série de la Justice Society. L'événement qui sert de trait d'union entre tout ce que nous venons de décrire et la nouvelle série de Robinson en elle-même, c'est la mort et donc l'enterrement de Wesley Dodds, à savoir le Sandman de l'âge d'or des comics. Fidèle à un de ses tics d'écriture, le scénariste en profite pour faire apparaître puis disparaître le nouveau Docteur Fate de l'époque, qui n'avait pas su toucher le cœur des lecteurs. De ces obsèques touchantes, nous passons ensuite à la grande menace de Mordru, un super vilain ésotérique venu du futur (ennemi de la Légion des Super-héros) et qui est bien décidé à utiliser un bébé qui vient de naître (et porte une tâche de naissance en forme de croix égyptienne) pour utiliser à son profit tous les artefacts et donc la puissance de Fate. La Société de Justice va tenter de le contrer, même si ce sera extrêmement difficile. C'est le moment que choisit la jeune Kendra, nouvelle incarnation de Hawkgirl, pour se joindre à l'équipe tandis que Star Spangled Kid (autrement dit la future Stargirl) va avoir un rôle non négligeable à jouer aussi dans cette histoire. C'est assez agréable à lire, ça permet de bien comprendre la dynamique qui unit toutes les générations et surtout la manière intelligente avec laquelle des décennies plus tard, des auteurs modernes parviennent à unir le classicisme et l'avenir à travers des recoupements et des successions parfois périlleuses, mais toujours fascinantes. C'est cela qui fait le charme de ce premier volume consacré à la JSA, la manière de voir comment les comics fonctionnent aussi à partir d'un héritage qui peut être malléable et appréhendé sous différents aspects au fil des ans. De nouvelles facettes continuent d'apparaître et des personnages qui semblaient être recouverts par la poussière et la patine du temps n'en finissent plus d'être remis à jour, pour de nouveaux défis et de nouvelles histoires. C'est probablement une des grandes forces de l'éditeur DC Comics et il est important d'avoir de tels ouvrages, comme ces "Chronicles" pour nous rappeler à quel point l'histoire et la généalogie des super-héros sont primordiales pour la compréhension de ce qu'ils signifient aujourd'hui.