Nous étions sans nouvelles de Sara Pezzini depuis presque une décennie. Certes, en 2017, un nouveau titre intitulé Witchblade avait bien vu le jour chez Image Comics, mais il mettait en scène un autre personnage, dans une tentative de moderniser le mythe des années 1990. Ce projet, clairement, n’avait pas totalement trouvé son public. Cette fois, ne boudons pas notre plaisir : il s’agit bel et bien du retour de mademoiselle Pezzini, celle qui fut, à la grande époque, la Witchblade que nous avons tant appréciée. Ce retour prend la forme d’un reboot, ce qui signifie que l’histoire repart entièrement de zéro. Il n’est donc absolument pas nécessaire de connaître le personnage ni d’avoir lu ses précédentes aventures pour s’y plonger. D’autant que la scénariste, Marguerite Bennett, reprend un grand nombre d’éléments du passé, tout en les modernisant et en y ajoutant de nouvelles trouvailles. Le récit parvient ainsi à être à la fois fidèle à l’esprit de la série d’origine et suffisamment novateur pour séduire une nouvelle génération de lecteurs. À l’époque, Witchblade se distinguait par son esthétique marquée : un personnage féminin à peine vêtu, dont l’arme mystique se manifestait sous la forme d’un gant lui conférant des pouvoirs extraordinaires. Dans cette nouvelle version, l’approche est suffisamment différente. Sara est désormais assaillie par une sorte d’artefact qui un beau jour s’empare d’elle, et lorsqu’il se manifeste, c’est une véritable armure qui recouvre son corps. Ce choix permet d’éviter l’écueil d’une représentation trop sexualisée, qui ne serait clairement plus de mise en 2025. L’histoire nous présente Sara en inspectrice de police, infiltrée dans les milieux interlopes des trafiquants d’êtres humains ; elle se fait passer pour une flic corrompue. Son véritable objectif est tout autre : retrouver les assassins de son père, lui aussi membre des forces de l’ordre, trahi et abattu par certains de ses propres collègues véreux. Avant d’embrasser la carrière de policière, Sara a servi plusieurs années dans les Forces Spéciales militaires. C’est donc une combattante aguerrie, déterminée à aller jusqu’au bout pour venger le paternel et se libérer du poids de son passé.
Si le retour de Witchblade fonctionne aussi bien, c'est pour deux raisons principales. La première, c'est la manière avec laquelle Marguerite Bennett modernise la série tout en restant fidèle à ses origines. Elle parvient ainsi à parfaitement nous expliquer la manière dont l'artefact s'empare de Sara, au point que cette dernière se sent comme privée de son propre corps. Au fil des épisodes, de nombreuses références à ce que peuvent ressentir les femmes dans la société, quand elles sont tendance à être objectivées ou déshumanisées, sont ainsi reliées aux nouvelles capacités de l'héroïne et à cette armure qui lui permet d'acquérir des dons extraordinaires, mais qui la coupe de son libre arbitre et de ses choix, si jamais elle accepte de se laisser dépasser par ces dons. C'est alors particulièrement bien vu et écrit, avec finesse. L'autre point important, c'est le dessin de l'italien Giuseppe Cafaro : il s'agit d'une production Top Cow et donc il est évident que le dynamisme, la plastique des personnages, la mise en page explosive, doivent respecter certains codes hérités de la grande époque de Marc Silvestri ou Michael Turner. Cafaro est capable de maîtriser tout cela avec maestria, bien aidé il est vrai par les couleurs d'Arif Prianto. Le duo nous offre une véritable leçon de dessin dans la catégorie "comment recycler les années 1990, ou plutôt le meilleur de cette décennie, pour en faire quelque chose de survitaminé en 2025". Chaque épisode apporte son lot de suspense, fait bien avancer le récit et il est évident que la nouvelle mouture de Witchblade à tout pour être une petite série à suivre de très près. Nous espérons sincèrement qu'elle va rencontrer un succès mérité. Le premier Tpb est disponible et le numéro 10 va bientôt sortir aux States.
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