CHARLES REPOUSSE LA NUIT : UN ROMAN DE PIERRE ADRIEN THEVENET

Accéder à l'immortalité est un des rêves de l'humanité depuis toujours. Franchir ou repousser la barrière de la mort est un des fantasmes récurrents que toutes les sociétés ont un jour envisagé, et pourtant il n'est pas dit que ce serait la meilleure chose qui pourrait arriver au monde entier. Imaginez donc un instant que la mort n'existe plus, que même la plus cruelle des blessures se referme en quelques secondes, et que nous nous retrouvions tous figés à un instant précis de notre existence, sans plus pouvoir mourir, ou vieillir, sans aucun de nos besoins fondamentaux comme dormir ou manger pour nous aiguiller. C'est ce qui se produit dans ce premier roman qui démarre sur des bases inédites et surprenantes. Dans ce monde-là les super-héros existaient, mais ils ont disparu depuis quelques années, chassés et éliminés par le commun des mortels, qui ne parvenait plus à accepter la corruption et la croissante inefficacité de la plupart de ces pseudos sauveurs. Charles Goodman était l'un d'entre eux. Lui il a disparu physiquement, sans laisser de trace, et plus personne n'a eu de ses nouvelles jusqu'au jour où il fini par réapparaître dans le jardin d'un jeune adolescent, privé de ses pouvoirs.  Avec ce gamin qu'il prend sous son aile, Charles va se lancer dans une quête existentielle qui va l'amener à se rendre compte qu'il est désormais le seul mortel au milieu d'une humanité immortelle, et va devoir trouver sa place dans ce nouvel ordre des choses. Nous avons là entre les mains un roman fantastique certes, mais aussi psychologique, une petite machinerie particulièrement bien huilée qui nous emmène sur la trace des fantasmes et des peurs qu'abrite notre inconscient collectif. Ici l'apocalypse qui s'est produite et en fait ce qu'une grande partie d'entre nous souhaite secrètement. Au final ce qui pouvait être un rêve absolu deviens le début de la fin, le premier pas vers une folie collective, et une vie qui perd son sens car privée de son but, ou plutôt de son terme ultime. Un voyage sans fin devient vite une errance. Difficile de véritablement définir ce roman qui se dévoile au lecteur sous plusieurs facettes, et prend des chemins de traverse là où on pense qu'il s'apprête à dévorer l'autoroute. En partie road-movie, en partie introspection intelligente, Charles repousse la nuit échappe à toute tentative de réduction et se révèle être une des lectures probablement les plus pertinentes et mystérieuses qui puissent s'offrir aux lecteurs de super-héros que nous sommes. Bref si vous cherchez un ouvrage qui traite du sujet tout en l'approchant d'une manière originale et sans nul doute inédite, je ne saurais trop vous recommander de le placer sur votre table de chevet dans les prochaines semaines.



La meilleure façon d'en savoir plus, c'est encore de demander. Entretien rapide avec l'auteur, Pierre Adrien Thevenet, qui nous en dit plus sur la genèse de son roman et ce qui l'inspire, depuis toujours.

Première question, comment est née l'idée de ce roman, de quelle bande dessinée ou comics s'inspire-t-il à la base?

L’idée de ce roman m’est venue subitement un jour de départ en voyage (dans les Cévennes, là ou s’achève le roman), il y a 7 ans. L’image d’un surhomme s’écrasant dans un jardin à l’abandon et découvrant que son pouvoir ne fonctionne plus s’est imposée subitement à moi. Je traversais une période délicate de choix d’orientation, un passage à l’âge adulte non sans heurt. Mon récit est l’amplification de cette question simple et terrifiante à la fois : jusqu’à quel point avons-nous donc droit à l’erreur ? Je ne suis pas encore certain d’avoir trouvé la réponse, mais écrire cette histoire de surhomme bafoué, remis en cause et bousculé dans ses certitudes m’a aidé dans cette quête.
Il n’y a pas de bande dessinée comme inspiration à la base de cette histoire. D’ailleurs, à l’époque, je n’en lisais que peu encore. Mon inspiration était surtout cinématographique. Je conçois toujours mes projets sur un premier versant visuel.

Es-tu toi-même un grand lecteur de bande dessinée super héroïque, désormais, et quels sont les personnages ou les séries que tu préfères et pourquoi?

Je suis donc venu aux comics book sur le tard, lors de la découverte fortuite du format américain de publication mensuelle. J’ai tout de suite apprécié ces fascicules aux couvertures souvent sublimes et que l’on ne retrouve plus nécessairement ensuite dans les formats recueils. Rassembler alors des séries anciennes devient une véritable chasse au trésor. Je n’ai pas cherché à faire d’abord dans l’originalité et je me suis tourné vers les classiques : le Batman si mature de Miller, le coté désabusé de Moore sur les Watchmen, avant de passer à la ligne Vertigo puis Image comics.
J’ai éprouvé un plaisir de lecture sur certaines séries qu’aucun autre média n’a su m’offrir. Scalped de Aaron et Guerra a été un véritable choc, un polar sans nul autre pareil à mes yeux. La construction y est sans faille, les personnages tellement ancrés dans leur réalité. L’alliance du dessinateur et du scénariste fait mouche de la première à la dernière case. La conclusion est juste terrible.
Jeff Lemire est cependant mon artiste de comics book préféré (le notre aussi!). Son Essex County est un mélange d’âpreté et de douceur sans égale. Et Sweet Tooth est simplement pour moi le meilleur comics book. Des dessins sublimes à la fin d’un courage exceptionnel, cette œuvre m’a profondément influencé. Un sommet.

Dans ton roman on découvre une vision particulièrement désabusée du rôle et de l'utilité du super héros, une sorte de Watchmen bien plus acerbe et sarcastique, tous les super-héros ont disparu ou ont été traqué... ce n'est pas un hasard... pour toi aujourd'hui qu'est-ce que la figure du super héros, et qui sont les héros de ce monde?

Vaste question. Puis-je m’en sortir avec une pirouette en forme de jeu de mots ?
Joker ;-)
Plus sérieusement, je pense qu’il est extrêmement difficile de désacraliser la figure du surhomme, figure essentielle de l’Amérique. Mais nous les essorons actuellement sur l’autel du divertissement à tout prix. Nous ne cessons de revenir à leurs origines, de rebooter leurs fondations. Je préfère m’interroger sur leur fin possible.
La technologie actuelle nous fait parfois nous-mêmes surhommes, à tort ou à raison. Nous sommes de plus en plus omniscients. Mais sommes-nous prêts à l’assumer ? Le champ de nos possibles ne cesse de s’élargir. Comment intégrer la technologie sans y laisser trop de notre âme ? Les surhommes de demain seront peut-être les utilisateurs les plus circonspects ou prudents d’aujourd’hui…

Parlons un peu littérature... quels sont les auteurs, les romans que tu préfères lire? Pour ma part j'ai relevé un style agréable et riche , par moment cela ressemble un peu à du Bradbury moderne ...quel est donc ton rapport à la littérature et quelles sont les oeuvres qui t'ont le plus marquées?

Cette comparaison me touche beaucoup, merci. La poésie du fantastique de Bradbury me semble intemporelle. Fahrenheit 451 ne vieillira pas, je pense. J’ai été également fasciné par des romans tels que l’Oreille Interne de Silverberg. Les œuvres de King m’ont également profondément marqué étant adolescent. Je pense que l’adolescence est la période clé pour le découvrir.
Mes goûts par ailleurs sont très hétéroclites. Mais je ne cesse de revenir à Maupassant et à ses contes fantastiques, et aux contes de Poe. Un de mes prochains projets les concernera tous deux de près. Je me documente actuellement sur leur vie mouvementée. J’ai aussi un goût prononcé pour la littérature américaine, tel James Crumley ou Craig Johnson, ou les plus anciens tel que James Hadley Chase ou Charles Williams.
Concernant l’écriture, je ne peux m’empêcher de tout imaginer « en film » avant d’écrire, le cinéma étant ma passion première. Mais je tiens ensuite à essayer de donner un véritable aspect littéraire à mes scènes imaginées. J’affectionne les chapitres courts et les cliffhangers, et la lecture de comicsbook m’influence dans cette voie. J’aime les récits denses que l’on souhaiterait lire d’une traite. Voici l’idéal vers lequel j’espère tendre. Mais le plaisir du lecteur reste roi.




Un grand merci à Pierre Adrien qui a eu la gentillesse de nous contacter, voilà quelques semaines, à l'occasion de la publication de son roman, que nous avons eu grand plaisir à lire. Je suis persuadé que nombre d'entre vous, qui nous suivez chaque jour (ou presque) pourraient être fort intéressés par cet ouvrage. Voici donc le lien pour se le procurer, sur le site Amazon.fr en suivant ce lien 







THE UNBELIEVABLE GWENPOOL #1 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

Petit raisonnement de mathématiques et d'économie appliquées. Prenez un personnage très vendeur, et en phase totale avec le public des comics et du cinéma, comme Deadpool. Prenez également une icône disparue, puis revenue sous un avatar super-héroïque extrait d'une Terre parallèle, et qui a eu un impact immédiatement positif sur la fan-base des lecteurs Marvel (Gwen Stacy en tant que Spider-Gwen). Fusionnez l'ensemble, et sortez votre calculatrice, pour évaluer les bénéfices engendrés. C'est en tous les cas ce qu'on doit souhaiter en ce moment à la maison des idées, avec cette série qui nait sous des auspices totalement barrés. Du troisième degré complet, à déguster tel quel, sans chercher à comprendre. 
La bonne nouvelle, c'est qu'on échappe aux origines du personnage, et d'ailleurs Gwenpool se moque gentillement de cette habitude paresseuse, en faisant allusion à l'histoire de l'oncle régulièrement assassiné à longueur d'épisodes introductifs. On passe directement à l'action, la vraie, avec un "prologue" qui voit la nouvelle héroïne tenter d'ouvrir un compte en banque (pas simple quand on vient d'une autre dimension et qu'on est sans document d'identité) alors que des braqueurs font irruption avec de stupides masques d'animaux sur la tête. Ils sont rapidement maîtrisés (et pas subtilement, Gwenpool aime les flingues) et un jeune hacker, aide logistique du groupe malgré lui, est arrêté en même temps que l'héroïne en rose et blanc. Tous deux finissent menottes au poignets, mais sont libérés par un policier en phase dépressive, et ils sont alliés pour la suite de l'épisode, où Gwenpool croise des Sentinelles (les robots tueurs de mutant) mais aussi Modok, qui est responsable du cliffhanger de ce premier épisode, qui tente d'injecter une pointe de tragique dans un joli foutoir que nombre de médias spécialisés ont qualifiés -complaisamment- d'hilarant. Comme quoi l'humour est une notion très subjective. 




J'ai pour ma part souri par endroits, je l'admets, mais pas de quoi s'en décrocher la mâchoire. Le coup du personnage conscient de ce qu'il est, métatextuel, et qui donne dans le cocasse et l'absurde, ça a déjà été fait, et bien mieux que cela. Hastings n'est pas Duggan, et l'écriture ici est relativement convenue, dans le sens où ça ressemble à ce qu'on pensait qu'on allait lire, sans vraiment s'avérer fantastique. Les dessins eux sont bien sur adaptés au ton de la série. On est carrément en face d'un truc qui paraît être un animé pour enfants avec le trait cartoony lisse de Gurihiru. Joli, tout plein de couleurs, mais pas du tout "ma came" comme disaient les jeunes (que disent-ils d'ailleurs en ce moment? Répondez moi en commentaire les amis). Le prologue est plus classique, Daniel Beyruth illustre ces pages dans des tons qui me rappellent vaguement du Nick Virella, ou encore, mais bien plus sage et gentillet, du Matteo Scalera. A en juger par la couverture, Gwenpool devrait être flashy, déjantée, un truc psychédélique ou sorti droit des délires de Marvel, mais pour l'instant c'est surtout une sorte de sous Deadpool, avec une héroïne qui tente de contextualiser ce qui lui arrive en comparant son environnement aux comic-books dont elle est familière, mais qui n'a pas encore la folie géniale de certains épisodes mettant en scène Wade Wilson, tout à fait conscient de son caractère original de création littéraire. Avis réservé, donc, pour ce qui ressemble de loin à de l'opportunisme plus qu'à de la véritable inspiration. J'espère me tromper. 




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