NEXUS OMNIBUS VOLUME 2 CHEZ DELIRIUM : L'INDISPENSABLE SUITE DE LA SÉRIE CULTE DE BARON ET RUDE


 Nexus n'est pas un héros comme tous les autres. Il a ses failles béantes et une lourde responsabilité, un fardeau donc il se passerait bien volontiers. Pour simplifier, si vous faites partie de ceux qui n'ont pas encore découvert la splendide série de Mike Baron, sachez que Horatio Hellpop est désormais à la tête d'une sorte de Cité/république installée sur une lune fortifiée, répondant au nom d'Ylum. S'il n'en n'est pas le président, Nexus est néanmoins son héros attitré, un être aux pouvoirs formidables et quasiment invincible, mais dont les secrets de ses dons fabuleux restent encore à percer. Et d'ailleurs, le personnage est aussi entouré de zones d'ombre inquiétantes. Nexus élimine ainsi physiquement ses ennemis (souvent issus de l'Empire galactique Sov, parodie post-moderne de l'Union Soviétique); il ne fait pas de prisonniers et entre chaque mission, il est l'objet de violentes migraines qui le pousse à se plonger dans une sorte de cuve remplie d'un liquide amniotique, dans laquelle il va pouvoir se régénérer, mais aussi faire des cauchemars qui lui indiquent quels sont les prochains criminels galactiques dont il va falloir se débarrasser. Pour tout ceci, Nexus est aussi un être instable qui vit sa particularité comme une malédiction, dont il cherche absolument à se débarrasser. Quitte par exemple à se faire implanter dans le crâne un petit mécanisme, qui devrait normalement mettre fin aux visions nocturnes et au céphalées. Ce faisant, c'est toute sa personnalité qui s'en trouve modifiée. Le nouveau Nexus ressemble davantage, jour après jour, à Elvis Presley dans les dernières années de son existence : il passe son temps à regarder des vidéos absurdes, se drogue, prend du poids, traverse une dépression évidente et s'entoure de sycophantes, qui ne font rien pour l'aider; bien au contraire, ils finissent par l'isoler de tous. Nexus refuse même de voir Sundra, celle pour qui son cœur battait jusque là et qui a finalement décidé de s'éloigner, décontenancée face à ce qu'est devenu l'homme pour qui elle avait des sentiments. Celui qui se présentait comme une sorte de bourreau cosmique est désormais son propre exécuteur et ennemi. Crise existentielle majeure pour un personnage qui échappe aux normes en vigueur dans les comic books du genre. Mike Baron a eu le temps d'instaurer tout un univers, un microcosme déliant et attachant, dans le premier omnibus. Voici venir 14 épisodes qui vont développer, enrichir, élucider, une épopée grandiose et finalement si humaine, une fresque cosmique à l'accent burlesque, avec un Nexus destiné à chuter, se relever, perdre ses pouvoirs, les regagner, et combattre, encore, toujours.




Si Nexus remonte peu à peu la pente, pour se dédier à nouveau aux affaires courantes, il n'empêche qu'il n'a pas tout à fait respecté le contrat qui le liait au dernier survivant des Merks, la civilisation qui occupait autrefois Ylum. Tout ceci, notre héros va le découvrir progressivement et ce sera l'occasion de mettre en lumière (enfin) les origines de ses pouvoirs, d'où il les tirent réellement. Une révélation qui va de pair avec la privation de ses facultés et l'obligation d'aller exécuter quelques contrats au bout de la galaxie, à l'ancienne, pour pouvoir enfin les récupérer. Autre menace d'ampleur dans le petit monde de Nexus, la décision totalement folle des grands dirigeants de la Toile (une sorte d'organisation interplanétaire à tendance hégémonique) : installer une turbine géante à proximité d'un trou noir, pour en puiser de l'énergie et alimenter ainsi un nombre incalculable de mondes. Sauf que le galop d'essai s'est terminé par la disparition d'une planète et ses 500000 habitants, dans la plus grande discrétion. En apparence, ça ressemble bel et bien à une mission qui pourrait finir par échoir à notre Nexus. Nexus qui a aussi du mal à accepter ce qu'il est, c'est-à-dire un instrument de destruction, qui ne parvient pas à exprimer ce qu'il ressent, au fond de lui. L'art ancien d'Ylum, par exemple, le fascine. Il tente de le reproduire, de comprendre ce qui peut pousser des êtres humains à préférer le beau, l'ornemental, aux fonctions pratiques, mais jusque-là, ce n'est pas son domaine, ça ne fait pas partie de ses capacités. Une frustration qui participe à l'évolution d'un personnage qui aspire à être plus bien plus que ce à quoi il est pour l'instant cantonné. Comme toujours, les personnages secondaires qui gravitent autour de lui participent à rendre la série passionnante, et surtout divertissante; quelque chose que beaucoup de lecteurs ignorent ! Nexus n'est pas une série austère et difficile d'accès, au contraire, c'est non seulement un plaisir de lecture, mais aussi souvent quelque chose de très caustique et qui commente de manière subtile les affres de la société occidentale moderne. Steve Rude est toujours aussi inventif au dessin, multipliant les cadrages les plus audacieux, construisant des planches aussi lisibles que fécondes; il parvient à insuffler l'esprit de la grande science-fiction dans une histoire qui n'en oublie pas pour autant d'être intime, grâce à son trait délicat. Enfin, chaque épisode est complété par une backup story qui met en scène le batracien le plus déjanté de la galaxie, Clonezone, un humoriste douteux et arriviste, prêt à tout pour un nouveau cachet, et dont les revers de fortune font le plaisir de ceux qui aiment ces interludes burlesques. Certains sont vraiment très bons et désopilants, notamment le tout dernier, qui est une parodie des films d'action à la Rambo. Nous avons également en début d'omnibus une autre petite histoire qui permet de revenir sur les premières années de Sundra Peale, principalement ses erreurs et errements, et les conséquences de ses décisions hâtives. Clairement, ne soyez pas surpris d'apprendre que ce titre culte a été récompensé à maintes reprises par des Eisner Awards. Le mélange savamment dosé de l'esprit old school entretenu par le style presque atemporel de Rude, et de l'écriture inspirée et moderne dans le ton, de Mike Baron, font de Nexus un de ces petits bijoux encore trop méconnus, que Delirium replace à votre portée, dans une édition compacte et économiquement accessible (432 pages, 39 euros) compte tenu du soin porté à l'ouvrage. Si vous accordez un minimum de crédit à nos élucubrations régulières, essayez Nexus !



Le Tome 1 est chroniqué ici

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