PEACH MOMOKO CHEZ MARVEL : HYBRIDATION MARKETING


 Arrivée dans l'industrie des comic books de super-héros il y a à peine cinq ou six ans, Momoko a rapidement fait sensation avec ses couvertures chez Marvel. Elle est devenue incontournable pour la "Maison des Idées", notamment grâce au succès de sa première œuvre mettant en scène des personnages dotés de pouvoirs incroyables, Demon Days, rééditée illico sous toutes les coutures et en plusieurs formats (parce que non, les lecteurs ne sont pas des vaches à lait, voyons). Comme toujours, les Américains, très sensibles aux opportunités économiques – appelons un dollar un dollar – ont flairé le potentiel de cette artiste. Résultat : Momoko est devenue une figure publicitaire et artistique incontournable, exploitée jusqu’à la dernière goutte d’encre. Sa carrière est éblouissante : née dans les pages d’obscurs magazines japonais (parfois pour adultes), elle a conquis la scène internationale à coups de dizaines de couvertures alternatives et d’illustrations promotionnelles. Une ascension fulgurante, marquée par une rencontre décisive avec Grant Morrison, qui l’a propulsée dans la mythique revue Heavy Metal à l'occasion de son anniversaire. Ce parcours, résolument vertical, illustre à sa manière la lente capitulation du comic book américain face à l’esthétique manga, devenue reine auprès des nouvelles générations. Peach Momoko incarne ainsi ce que les grandes maisons d’édition occidentales – sans doute à tort, mais enfin, on ne va pas gâcher une bonne projection fantasmatique – considèrent comme la mangaka japonaise idéale. Des personnages kawaï à souhait, une élégance graphique délicate, une palette de couleurs pastel digne d’une boîte de macarons, et des thématiques en boucle sur l’adolescence ou la vie scolaire. En résumé : malgré un talent évident, Momoko s’est ajustée comme un gant à ce que les éditeurs attendent pour afficher une modernité on ne peut pas plus caricaturale.



Selon les dernières études, 47 % des lecteurs de comics aux États-Unis sont des femmes, et les mangas explosent les compteurs de vente. Des chiffres vertigineux pour ceux qui s’accrochent à une vision passéiste et testostéronée de la culture populaire – pour les bonshommes, les vrais. Une évidence, aussi, pour quiconque a mis les pieds dans une librairie ces vingt dernières années. Les incels peuvent trembler, ils sont en voie de grand remplacement, finalement. Et peu importe si la carrière de Peach Momoko a commencé dans des magazines pour adultes (allez voir, obsédés que vous êtes), ou si sa première percée sur le marché occidental fut une affiche alternative pour le film gore Meatball Machine de Yūdai Yamaguchi – pas exactement l’esthétique mignonne qu’on lui connaît chez Marvel. Ce que la "Maison des Idées" attend d’elle au départ, c’est une vision du manga lisse, cristallisée, immédiatement identifiable, réduite à une poignée de clichés confortables. Rien de neuf sous le soleil éditorial. Cela fait plus de trente ans que les comics américains cherchent à s’approprier l’influence japonaise, surfant sur la moindre tendance venue de l’archipel. Du boom du début des années 2000 – avec des records de vente signés Jim Lee et Todd McFarlane chez Marvel – à la fondation d’Image Comics, le marché oscille sans cesse entre innovation sincère et récupération stratégique. Et toutes les tentatives d’hybrider les super-héros à la sauce nipponne ont fini, à terme, par se casser les dents. Comme si l’hybridation, poussée trop loin, menait inévitablement à un rejet. Sauf que, cette fois, ce sera peut-être différent. Peut-être. Les Ultimate X-Men version Peach Momoko amusent, séduisent, et parviennent même à capter l’attention d’un public éloigné de la cible initiale. Comparer ses mutants à leurs incarnations classiques devient un jeu de piste plaisant, tout comme tenter de deviner où l’autrice veut en venir (spoiler : va falloir débiter un bon paquet de pages avant de comprendre). On réalise alors pourquoi Marvel a décidé de miser sur elle, au-delà des seuls calculs cyniques de son département marketing. C’est une bouffée d’air frais – pour le moment – et une opération de communication menée tambour battant. Vous avez vu les réactions au festival d’Angoulême 2023 ? Momoko est une star. Que cela vous semble mérité ou totalement surévalué, c’est secondaire : elle est là, et bien là.



Quand à son titre Ultimate X-Men, il puise ses racines dans la culture japonaise. Une influence évidente, portée autant par l’identité de l’autrice que par celle de son héroïne, Hisako Ichiki. Cette adolescente japonaise, bien connue des lecteurs les plus attentifs, n’est pas une new entry dans l’univers Marvel : créée par Joss Whedon et John Cassaday dans la très bonne série Astonishing X-Men, elle y tenait un rôle secondaire. Sous le nom de code d’Armor – en lien avec son pouvoir mutant – Hisako avait brièvement combattu aux côtés des "vrais" X-Men du monde Marvel classique. Aujourd’hui, Momoko lui offre un rôle central, en faisant l’étoile montante de sa version des mutants. Nous reviendrons dans le détail sur cette série dans pas très longtemps, revenez nous voir à l'occasion, true believers. Sayōnara.


Et sinon, rejoignez la communauté Facebook !

FREE COMIC BOOK DAY 2005 - A NICE CHEZ LES FICTIONAUTES

Le Free Comic Book Day (ou FCBD pour les intimes), c’est le Noël des fans de BD, sauf que ça tombe le premier samedi de mai… et qu’on ne vou...