Proposer une version alternative d'un univers narratif super-héroïque n'a rien d'inédit; c'est même une manière assez simple et intelligente de relancer l'attention des lecteurs et de proposer un terrain de jeu encore vierge, sur lequel avancer des pions et s'amuser franchement. C'est probablement une des spécialités de Tom Taylor, un scénariste qui a déjà utilisé ce stratagème à plusieurs reprises par le passé, tout récemment encore avec une cosmogonie DC comics faite de vampires. Cette fois, nous plongeons à l'air médiévale, ou si vous le préférez, dans un monde fortement inspiré par le genre fantasy. Il existe là-bas deux grands royaume antagonistes qui sont sur le point de se déclarer une guerre sanglante. Nous trouvons d'un côté la maison des El, avec à sa tête un couple souverain extraterrestre venu d'une planète aujourd'hui disparue et leur fils, qui attend d'accéder un jour à son tour au trône. A leur service, le Batman, une sorte de chevalier prêt à s'investir corps et âme dans des missions diplomatiques ou guerrières. Dans le camp d'en face, le roi Pierce maîtrise la foudre et l'électricité et c'est sa famille qui assure le bien-être de ses sujets, en suivant les prophéties mystiques d'un certain Constantine. Ajouter à ceci un troisième royaume réservé aux femmes, où nulle créature du sexe masculin n'a le droit de poser le pied : chez les Amazones, c'est la reine Hippolyte qui dicte sa loi tandis que sa fille Diana professe amour et paix quand elle le peut, tout en entretenant une relation sentimentale avec Kala, elle aussi héritière du royaume des El. C'est un assassinat, un régicide, qui va entraîner la catastrophe inévitable et la surenchère, la montée de la terreur.
Tout est une affaire de se retrouver en terrain connu et pour autant, d'aller de découvertes en découvertes. Le petit jeu de piste est très transparent et les personnages qui interviennent dans Dark Knights of Steel sont reconnaissables par tous, que ce soit le jeune Superman, Batman, Harley Quinn (ici parfaitement à l'aise dans le rôle de la bouffonne à la cour du roi) ou encore cette petite bande de chenapans acrobates, bien pratiques pour espionner ou réaliser certaines missions où il faut savoir être prudent. On les appelle les Merles, référence aux Robin, c'est-à-dire les rouges-gorges en français. Le lecteur n'y perd pas son latin et apprécie fortement ces avatars médiévaux, qui sont tous assez bien campés. Même chose pour Poison Ivy en grande sorcière de la forêt, qui a ici aussi à un faible évident pour Harley, Black Lightning et ses enfants ( il tient un rôle de choix, le voici dans la peau d'un souverain) tandis que Constantine est encore une fois associé à l'occulte et que Luthor se voit attribué le rôle probablement le plus fascinant, puisqu'on retrouve en lui une partie des attributs du Joker et même l'arme absolue habituellement réservé à Green Lantern. L'ensemble est dessiné par Yasmine Putri et je dois dire que mes doutes initiaux se sont envolés; c'est particulièrement agréable à regarder, les planches sont très lisibles et dotées d'une fraîcheur évidente, susceptibles de plaire même à un jeune public. En fin d'ouvrage, le premier tome propose trois récits complémentaires, des sortes de contes qui permettent de mieux appréhender certains points de détails importants de l'histoire, comme par exemple l'origine des Merles dont nous avons déjà parlé ou comment le jeune Bruce (Wayne) est devenu ce combattant formidable… et grâce à qui : je vous laisse la surprise ! Pour nous, une lecture qui vaut assurément le détour.
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