Si les origines de Wonder Woman étaient destinées au journal télévisé, ce serait alors ce qu'on appelle dans le jargon journalistique un marronnier, c'est-à-dire ce genre de reportage qui revient à intervalles réguliers, inéluctablement, lorsque survient la bonne saison. Cela dit Earth One a une particularité, puisqu'il est écrit par Grant Morrison, qui la plupart du temps s'est illustré par des récits forts, remarquablement bien écrits et souvent très étoffés et intelligents. Ici encore, il met dans le mille.
La princesse Diana n'est pas présentée comme une guerrière, toujours prête à faire couler le sang, comme cela l'est devenu trop souvent ces dernières années, mais bien comme un parangon d'amour et de compréhension mutuelle. Pour elle, la vraie force réside dans la soumission volontaire, comme le voulait d'ailleurs à l'origine le créateur du personnage, Moulton Marston. Celui-ci avait truffé les premiers numéros de nombreuses scènes de bondage à demi avouées. On en retrouve là aussi, lorsque Wonder Woman se rend à l'avis de sa reine, et des Parques, et dans un moment drôle face à Steve Trevor, qui ignorant tout de ses traditions et rituels, interprète assez mal la mise à genoux et l'espèce de collier-laisse qui va avec. Une princesse qui est aussi un hymne à la vérité, qui tôt ou tard finit par démasquer le mensonge, et qui porte déjà en son sein les prémices de la rédemption. Philosophique, et positif.
Les traditions des Amazones sont aussi au cœur du sujet, depuis l'ouverture qui nous explique le moment fondateur où elles se sont libérés du joug de Hercule, et par là même de celui des hommes dominateurs, jusqu'au tournoi annuel, où ce fait d'armes est rappelé et s'y illustre la plus haute représentante de la nation amazone, dans une parodie d'épreuve physique. Diana pourrait participer, et facilement remporter la mise, mais elle a le veto de sa mère, qui ne veut pas qu'elle profite de ses capacités hors du commun, et surtout qu'elle accède à un nouveau statut. Tout ceci est pourtant peine perdue.
Tout d'abord parce que la future Wonder Woman a bien compris qu'il était temps pour son royaume secret de s'ouvrir au monde réel, et de frayer avec celui des hommes. Ensuite car un jour un aviateur des forces américaines, Steve Trevor donc, s'échoue sur les rivages de Themyscira (ici appelé Amazonie) et dès lors le destin s'accomplit. Un Trevor qui est représenté sous les traits d'un militaire afro-américain, ce qui ne fait encore que renforcer l'idée d'une union et d'une entente cordiale entre tous, au-delà des barrières que peuvent t'être le sexe ou la couleur de la peau, quand on cherche un prétexte...
Grant Morrison réussit donc le tour de force de nous intéresser jusqu'à la dernière page, avec un sujet qui a pourtant été abordé maintes fois. Il caractérise très bien les personnages, y compris ceux qui ont un rôle secondaire, comme Trevor ou encore Etta Candy, aussi drôle que moderne, dans son avatar déchaîné et postmoderne, en tenue rose bonbon flashy. Un grand coup de chapeau au dessinateur Yanick Paquette, qui signe là le meilleur travail de sa carrière, avec son Swamp Thing. Les formes de toutes les femmes de cet ouvrage sont splendides, sinueuses à souhait, sans jamais être vulgaires, surlignées avec grâce par un fin trait noir, et il se dégage de ces planches une harmonie et une beauté qui ne tombent jamais dans la facilité. Il s'agit donc là d'un des tomes de la collection Eaglemoss qu'on peut mettre au rayon des indispensables.
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