L'INTEGRALE ALPHA FLIGHT 1978-1984 : JOHN BYRNE ET LES 80'S CHEZ PANINI


 L'omnibus de la Division Alpha par John Byrne ne verra probablement jamais le jour chez Panini Comics France (mais il existe en Italie). Pas grave, à partir de ce mois de mars 2021 voilà le titre qui débarque dans la collection "Intégrale", ce qui revient peu ou prou à la même chose, à la condition bien entendu que ce premier tome soit suivi par d'autres. Alpha Flight, donc. Il s'agit là d'une série anticonformiste et particulièrement réussie, qui correspond à une période de créativité extraordinaire et productive chez le scénariste-dessinateur le plus prolifique d'alors. 29 épisodes absolument superbes qui mettent en scène un groupe pensé par le même Byrne et Chris Claremont, sur les pages de Uncanny X-Men, et ces épisodes d'introduction sont eux-aussi de la partie, publiés dans ce premier tome. La formation était alors au service du gouvernement canadien, et elle était guidée par James McDonald Hudson, c'est-à-dire Guardian, l'ami d'un certain Wolverine, plus connu de tous comme le mutant griffu des X-Men (on disait Serval alors...). La Division a été chargée d'aller retrouver Logan en Amérique, pour le convaincre de retourner au Canada et de travailler pour les forces locales. Byrne propose dans les années 80 ce qui a fait le succès des comics Marvel, lors de la création des premières séries légendaires, sous la houlette de Stan Lee : des super-héros avec des super-pouvoirs et des super-problèmes. Chaque membre du groupe possède des failles évidentes, des secrets non révélés. Puck est un nain, Sasquatch un scientifique de renommée qui se transforme en monstre possédant un côté animal difficilement raisonnable, Northstar (Jean-Paul Beaubier, Véga en Vf) est un champion de ski gay, même si au départ les textes de Byrne sont retouchés pour ne pas que l'orientation sexuelle du héros apparaisse évidente. Sa sœur (Aurora) est schizophrène : une partie de sa personnalité est bourgeoise et complètement bigote, l'autre est héroïque, débridée, et aime la provocation (y compris aguicher les hommes). Guardian est un type froid, voire rigide. Snowbird (Harfang en Vf) n'est même pas vraiment humaine et cache de lourds secrets alors que Shaman, le magicien du groupe, n'est pas sûr de lui, et a des relations bien conflictuelles avec sa fille Talisman. Et je ne parle pas de Marrina, la jolie sirène, qui aura une relation avec le prince Namor, et qui est émotionnellement instable. La série proprement dite démarre de manière assez classique, face à la menace de Toundra, une entité ancestrale canadienne, et contre le Maître (Master of the world). Rien ne laisse présager que Byrne va rapidement transformer cette formation en un creuset étonnant de nouvelles idées, et de techniques narratives fascinantes. 

C'est que l'artiste n'avait au départ pas une folle envie de s'occuper de cette série, qui ne fut crée que pour donner des antagonistes bon marché à la domination des X-Men. Mais il est clair, en relisant son travail, qu'il va commencer à se divertir de plus en plus, et jouir d'une carte blanche enviable, puisque la matière première est composée de personnages de second ordre, qui n'ont pas un impact dévastateur sur le reste du Marvelverse. Byrne aime se focaliser sur certains héros en particulier, avec notamment dans la première année du titre, des numéros exclusivement tournés vers Puck, ou encore Snowbird, et le duo des jumeaux Aurora et Northstar. A d'autres occasions ce sont les origines d'autres membres qui sont traitées en tant que pages de complément, et qui viennent donc empiéter sur le récit mère (c'est ainsi qu'on en apprend plus sur Guardian, à titre d'exemple). Il expérimente, et ne manque jamais de souligner combien les Alphans, au départ, n'ont guère envie de collaborer ensemble, et sont trop marqués par leurs caractères différents, leurs tourments intimes, pour fonctionner pleinement en tant qu'unité chorale. Au long de ce titre, on croise une belle galerie de vilains pittoresques, de méchants subtilement vintage, mais qui firent leur bel effet, lors de ces belles années 80. Citons notamment les Omega Flight (autre groupe important car c'est là qu'apparaissent de futurs membres de la Division Alpha, comme Madison Jeffries capable de transmuter la matière métallique, et la sculpturale Diamond Lil). Sans oublier les Grandes Bêtes, ces créatures élémentales qui empoisonnent le Canada et seront les ennemis les plus meurtriers de la formation. Autre personnage très important, une femme au foyer, sans pouvoirs (au départ, cela changera avec un joli costume légué par le défunt mari, qui connu une des morts les plus inattendues et précoces de l'histoire des séries régulières). Heather McDonald-Hudson a tout de la secrétaire timide et pas très bien dans sa peau, mais c'est elle, avec sa détermination et sa force intérieure, qui va lentement souder les autres, et s'attaquer à la désunion ambiante. On a droit a de belles apparitions dans la série, comme Susan Richards des Fantastiques, le prince Namor (et un récit poignant avec Marrina, déjà évoqué) ou bien Wolverine, cela va de soi. Et n'oublions pas (j'en parle quelques lignes plus haut) que la Division Alpha n'a pas de chance, car comme le veut la tradition des eighties, très portée sur les décès d'envergure, et fondateurs, le leader de la team va trouver tout de suite la mort, dans des circonstances presque absurdes, et choquantes, comme évoqué précédemment. John Byrne est pour sa part un dessinateur qui n'aime pas les effets spéciaux pour masquer le manque de matière. Avec lui, tout est axé sur la lisibilité, la clarté du story-telling, et ses formes souples et élégantes sont immédiatement identifiables et appréciées. Il s'amuse aussi parfois, comme avec une suite de pages blanches qui est censée représenter une tempête polaire, dans l'épisode consacrée à la semi-déesse nordique Harfang (ce coup-ci je la nomme en vf, la belle Snowbird). Alpha Flight est devenue depuis une série culte, et sur les forums, les réseaux sociaux, les appels à une réédition ne manquent pas depuis des années, tant il subsiste aujourd'hui un noyau dur de fans nostalgiques qui n'attendent que ça. Du coup cette intégrale a tout pour cartonner auprès des lecteurs d'un certain âge, et pourrait même faire de l'œil aux plus jeunes, qui auraient tout de bouder leur plaisir. Une bien bonne nouvelle, à (re)découvrir cette semaine chez Panini. 

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