SWAMP THING GREEN HELL : JEFF LEMIRE ET L'ENFER VERT


 On nous promet la fin du monde depuis longtemps, que la planète sera bientôt inhabitable… alors, avec Jeff Lemire, on fait un bond dans le temps et on se retrouve directement à une époque où l'inévitable est arrivé. Une situation catastrophique au niveau écologique, qui a aussi des répercussions sur ce qu'on appelle les Parlements, les représentants des forces fondamentales de la nature que sont la Sève, le Sang et la Nécrose. Chacun de leur côté, ils aimeraient que la situation s'améliore pour qu'il puisse à nouveau étendre leurs pouvoirs respectifs, mais il se rendent compte que rien de tout cela n'est possible sans auparavant faire table rase de ceux qui ont survécu, pour repartir vraiment à zéro. C'est du côté de la Sève que se trouve la pensée la plus extrémiste, d'où le besoin de recourir à un nouvel avatar, que vous connaissez sous le nom de Swamp Thing… et qui ici va apparaître avec une identité inédite. À ce sujet, c'est là que Jeff Lemire développe, une fois encore, un récit basé sur la famille, avec un père et sa fille et une relation menacée par de triste événements, des meurtres et des pillages, jusqu'à ce qu'un de ces forbans improvisés soit transformé en une créature des marées et devienne le nouveau "joujou" de la Sève. Que faire dans ce cas, si ce n'est se tourner vers un vieux phare abandonné dans lequel réside le magicien le plus aimé/détesté de l'univers DC Comics. Un John Constantine vieillissant, mais qui a toujours plus d'un tour dans son sac, y a élu domicile… et c'est dans sa boîte à malices que repose la seule chance de l'humanité. Première chose à faire, s'entourer d'alliés, de bons alliés. 


C'est résolument vers l'horreur que se tourne cette nouvelle œuvre du canadien Jeff Lemire, pour le Black Label de DC comics. Autrement dit, une histoire hors continuité qui peut s'affranchir de ce qui a été fait avant et qui n'est pas censée avoir des conséquences réelles ou suivies. Il est épaulé dans cette aventure par Doug Mahnke, un de ces dessinateurs au style plutôt réaliste, qui font la fortune de la Distinguée Concurrence depuis des années. Du reste, la plupart des pages sont vraiment saisissantes et on y trouve pléthore de scènes choquantes, avec des tiges qui s'enfoncent dans les orbites et des plantes qui décapitent des êtres humains, par exemple. À côté de tout cela, Lemire ne peut pas s'empêcher de porter un regard particulier sur un destin familial et de tempérer la noirceur ambiante par l'amour qui peut exister entre un père et sa fille. Il utilise aussi des concepts avec lesquels il a déjà brillé il y a quelques années, lors du grand redémarrage que furent les New 52, avec le personnage d'Animal Man. Ce dernier est mort mais c'est sa fille Maxine qui prend le relais, en tant qu'Animal Woman, dans les pages de cet "enfer vert". C'est aussi l'occasion de revoir celui qui pour la grande majorité des lecteurs s le seul et véritable Swamp Thing, à savoir Alec Holland, qui jouissait de sa tranquillité post-mortem, dans une sorte de sous dimension réservée aux avatars de la Sève. Il est donc obligé de quitter l'esprit de sa femme et de sa fille pour à son tour se mêler à une tragédie bien réelle et s'opposer à ses anciens patrons, qui se sont choisis un autre avatar et ont décidé d'initier un carnage. L'ensemble tient globalement bien la route et permet de lire ce qui ressemble alors à une sorte d'appendice apocalyptique à ce que Lemire et Snyder avaient écrit en leur temps, sur Animal Man et Swamp Thing. Une conclusion qui reste d'ailleurs ouverte à quelque chose d'autre, si on en croit la dernière vignette, qui incarne un peu une promesse d'avenir.







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