Non, Dave Lewinski n'est pas le héros de cette histoire. Jouer au justicier quand on est juste un gars normal, ça peut durer un certain temps, disons par exemple 28 épisodes et deux films, mais ensuite, il faut penser à reprendre une vie normale. Non sans avoir inspiré les autres, avoir ouvert la voie à cette sorte de justice « do it yourself » aussi dangereuse que cocasse pour les lecteurs. On s'est bien amusé par le passé avec Mark Millar, alors on est prêt à en reprendre une couche, d'autant plus que cette fois l'auteur nous a promis quelque chose de différent. Et du reste, il n'a pas menti.
Tout d'abord nous avons une autre héroïne, à savoir Patience Lee, une vétérane de la guerre en Afghanistan. L'album s'ouvre par une scène où elle est en costume de Kick-Ass, en fâcheuse posture, avant un long flash-back qui nous donne toutes les infos sur son parcours. Après avoir brillée sur le terrain par ses capacités au combat, Patience a retrouvé une vie normale, avec sa petite fille, et s'est heurtée à deux obstacles majeurs. Son compagnon a mis les voiles avec une autre, frustré de ne pouvoir devenir l'artiste qu'il pense devoir être (conversation hilarante au téléphone), non sans laisser une tonne de dettes. Et trouver un travail autre que serveuse pour deux sous six francs paraît être impossible. Du coup, une idée germe dans son esprit, une nouvelle possibilité de reprendre en main son existence, d'assurer à sa famille une certaine stabilité financière, et ça passe par un costume vert et jaune, et aller défier de gros pourris pleins de sous. Bref, ça sent les ennuis, les gros.
Le problème c'est que cette nouvelle vie va se télescoper avec le couple de sa propre soeur, mariée à un type peu recommandable. Que défier le sort, sans super pouvoirs, ça peut aussi être une source de coups en tous genre, la certitude de voir la mort de près, et de devoir se sortir de situations quasi désespérées.
Millar réussit là de très bons nouveaux débuts. Le ton est plus sérieux, cette version de Kick-Ass démarre avec plus de fond, de substance, et ne cherche pas à faire rire à chaque planche. L'inversion des rôles habituels, entre le soldat qui revient au foyer et l'être aimé qui attend (c'est la femme qui était sous les drapeaux donc) est bien raconté, avec honnêteté, et constitue un point fort du récit. John Romita Jr rempile pour une prestation qui souffle le chaud et le froid. Comme toujours, on a de très bons moments d'actions, avec une mise en page énergique et efficace, et des vignettes un peu hâtives, où les visages semblent bâclés. On doit s'y faire, c'est une habitude. La violence, le gore, restent présents, mais de manière moins frappante, avec plus de justesse et d'évidence, dans le but de servir le récit. Du coup, on a entre les mains une bonne petite nouvelle mouture qui mérite amplement que vous lui donniez une chance.
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