La comparaison peut vous sembler idiote, mais il me semble pertinent de qualifier Olivier Gay de Lucky Luke de la bande dessinée. En effet, tel le célèbre cowboy de l'Ouest américain, le scénariste semble tirer plus vite que son ombre (nous en sommes déjà à sa quatrième production pour l'année 2024 qui nous tombe entre les mains) et à chaque fois, il touche sa cible, vise à merveille, sans jamais se tromper. Ce coup-ci, avec Les mages de Bonaparte, nous avons une histoire un peu moins fantasque dans les rapports qui unissent les personnages et dans l'humour employé (qui reste toutefois très présent et permet d'alléger les enjeux) : nous avons face à nous une bande dessinée historique qui nous replonge à l'époque du grand empire Napoléonien. L'histoire débute en Égypte, en 1798, sur le plateau de Gizeh. Bonaparte se lance dans une bataille contre les Mamelouks et leurs armées de momies; car oui, nous le découvrons dès une première page admirablement découpée et d'une clarté magistrale pour qui veut connaître les secrets qui président à l'introduction d'un récit depuis ses fondations, non seulement nous sommes confrontés à la réalité historique, mais aussi à sa version fantasmée et magique, puisque les soldats napoléoniens sont capables de lancer des sorts et que leurs ennemis en font tout autant (et sont en mesure d'employer de véritable morts-vivants !). Après ce succès, nous faisons un bond de dix ans dans le temps pour nous retrouver à Erfurt, pour ce qui s'annonce être une conférence de la plus haute importance pour la destinée du continent européen. Napoléon espère obtenir le soutien de la Russie mais le monarque se heurte à un Tzar qui ne l'écoute pas et dont l'agenda est fort différent du sien. Pire encore, le camp français possède des parchemins égyptiens d'une grande valeur, recelant des formules cabalistiques, mais qui ont été dérobés. Napoléon souhaite absolument les récupérer et il va pour cela monter une petite armée personnelle et discrète.
Guillaume, Nicolas et Flore se complètent parfaitement. Ensemble, ils sont particulièrement efficaces et vont se révéler précieux sur le terrain, et ils vont devoir prendre de sacré risques, notamment quand ils se mettent à douter de l'ambassadeur Caulaincourt, ce qui va un temps les induire en erreur au sujet de ce qui se trame réellement. Les parchemins sont d'une importance capitale car vous l'avez compris, dans ce récit, le destin des grandes batailles ne se joue pas seulement au mousquet et au canon, mais dans l'emploi de formules magiques, l'invocation de créatures ultra terriennes, et c'est un véritable mano à mano qui s'engage entre l'Empire français et la Russie, pour savoir qui supplantera l'autre à coups de formule et d'incantations. Le tout est bien évidemment très rythmé, basé sur un fond historique documenté et truffé d'un humour dont Olivier Gay a le secret. Est-ce voulu ou totalement fortuit, du côté des influences ou des histories qui se rapprochent de celle-ci, mentionnons le très bon Arrowsmith de Busiek (qui se déroule au début du XX° siècle) ou le jouissif Garibaldi vs Zombies, qui est inédit en Vf, et se situe lui dans la seconde partie du XIX° siècle. Du côté du dessin, c'est Brice Bingono qui s'occupe de donner vie à l'ensemble. Un artiste que je ne connaissais pas jusque-là et qui fournit des planches d'une toute beauté, avec des visages très expressifs et des héros particulièrement bien campés, avec même par endroits un petit quelque chose de Coipel ou Immonen dans les formes et les textures, qui est loin d'être désagréable. Les couleurs sont de Nuria Sayago et les Mages de Bonaparte est un album encore une fois de très bonne facture, chez Drakoo, qui mérite sincèrement qu'on lui donne une chance, surtout si vous aimeriez une suite !
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