Peu importent les sempiternels reproches que l'on adresse à Mark Millar. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer tout l'intérêt que je porte au scénariste écossais, qui est un des rares à fournir systématiquement aux lecteurs une bonne dose de divertissement, sans jamais tenter de les convaincre qu'ils sont en train de lire un essai censé révolutionné l'approche de la bande dessinée super héroïque; ça fait un peu de bien aussi, parfois, d'avoir du fun en barres. Même si la recette est plus ou moins toujours la même. Ici encore, Millar recycle un concept éprouvé régulièrement dans la littérature, le cinéma et la pop culture : celui des vampires. Sauf que les personnages qui vont acquérir des super pouvoirs (en gros, ceux qui sont l'apanage des vampires, c'est-à-dire une super force, la capacité de se transformer en brume ou en chauve-souris, une super ouïe, guérir de tout…) ce sont des adolescents, qui sont encore au lycée. Jusque-là, ils n'étaient pas les stars du campus, très loin de là. Plutôt des nerds un peu en marge, dont l'ambition principale était d'empiler des vidéos sur une chaîne Youtube, pour faire des vues et s'affirmer dans l'univers virtuel. Tout ça jusqu'au jour où le chef de bande, Danny, a tenté la vidéo de trop. Un banal accident de parkour sur un toit, qui l'envoie à l'hôpital avec le dos et la nuque brisés en morceaux. Il devient alors la proie idéale pour le détective Laskaras, qui n'est pas seulement un policier de la vieille école à l'aspect bien badass mais aussi un vampire, qui affirme être en train de monter une petite équipe pour affronter une menace encore indéfinie. Pour cela, il recrute parmi ceux qui n'ont plus aucun espoir, les blessés graves dans les hôpitaux étant une cible privilégiée. Danny devient alors un vampire, se remet sur pied, utilise un masque de catcheur pour masquer son identité et commencer à accomplir ses premiers exploits… et bien sûr, il entraîne dans la partie ses deux meilleurs amis, Amy et Sam. Les ados forment alors le Night Club : trois petits vampires dans le vent, stars des réseaux sociaux et bons samaritains dans la vie réelle.
Le premier tiers de l'album est frais, enlevé et finalement plutôt joyeux. Les adolescents découvrent leurs pouvoirs et on a l'impression qu'être un vampire, c'est finalement quelque chose de très positif, avec les débouchés que cela permet sur Internet, la célébrité facile, la possibilité d'être utile à la communauté, tout en faisant des vues bien cachés derrière des masques de catcheurs. Alors évidemment, les choses vont se corser puisqu'à partir du troisième épisode, entrent en scène d'autres vampires, cette fois bien mal intentionnés : des criminels endurcis qui vont devenir des antagonistes terrifiants, devant lesquels Dany et ses amis vont se mettre à trembler. Comme dit précédemment, le scénario de Millar ne brille pas par son originalité, mais il a le mérite de cocher toutes les cases du divertissement avec succès. Du super-héroïsme, de la baston et des scènes choc dont il est friand (par exemple, des décapitations) ou encore des moments où il est question des amis du lycée, des rapports entre les ados. Le tout est illustré par Juanan Ramirez, un dessinateur espagnol capable de produire des planches chargées en énergie, qui n'hésite pas à aller puiser dans l'influence et le dynamisme du manga, avec un style qui n'est pas sans rappeler celui d'un Scalera, par exemple dans la façon de donner vie au corps et aux situations. Et du coup, on est en plein dans ce qui fait la recette mais aussi la réussite de la plupart des séries du Millarworld ! Si habituellement vous êtes sensibles à ces règles éprouvées, il n'y a aucune raison pour que vous ne trouviez pas Night Club génial et pétillant. Si vous êtes allergiques, pas de raison que vous guérissiez cette fois-ci.
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