Face à l'inacceptable (comme peut l'être la mort d'une mère adorée), même les super-héros peuvent opérer des choix catastrophiques. En voulant corriger quelque chose qui n'aurait jamais dû l'être, Barry Allen a par exemple créé la réalité que nous connaissons sous le nom de Flashpoint. Un événement particulièrement important puisqu'au terme de cette parenthèse, DC comics à viré de cap en lançant la grande opération des New 52. On croyait cet univers de Flashpoint définitivement enterré, après la mort du Batman de là-bas (c'est-à-dire le père de Bruce, Thomas Wayne) qui s'est sacrifié pour la bonne cause, victime des rayons de Darkseid. Seulement voilà, lorsque Thomas se réveille à nouveau chez lui et que tout semble être revenu en arrière, à un point de stase qui n'aurait jamais dû être, c'est que quelque chose cloche, une erreur dans le programme qu'il faut encore une fois corriger. Thomas va donc s'y employer et la première des choses à faire, c'est de retrouver le Barry Allen de cette réalité là pour lui expliquer qu'il est l'homme au centre de toute cette affaire et le forcer à recouvrir ses pouvoirs de Flash. Ceci de la même manière qui avait été mise en œuvre la première fois, c'est-à-dire une décision expéditive, Barry attaché à une chaise, foudroyé par une installation électrique sommaire. La première tentative il y a douze ans s'était soldée par un succès et donc par Flashpoint; celle-ci va être un échec complet car il y a quelqu'un dans l'ombre qui tire les ficelles et s'arrange pour que Thomas Wayne ne parvienne pas à ses fins. Pendant ce temps-là, dans notre univers à nous (celui canonique où se déroulent les aventures des super-héros DC comics) Batman mène l'enquête. Un simple globe, une boule à neige, a attiré l'attention de celui qui est bien décidé à sauver son père (lui-même désireux de faire revenir son fils, assassiné à sa place). Vous trouvez cela complexe ? Vous n'avez pas tort. Geoff Johns continue de jouer avec les réalités alternatives et les couloirs du temps, au risque de complètement s'emmêler les pinceaux. On rase plusieurs fois le casse-tête le plus effrayant et pour autant cette nouvelle histoire, intitulée Flashpoint Beyond, réussit à retomber sur ses pieds et même à proposer des instants très inspirés et fascinants.
Le retour à l'âge de Flashpoint, c'est aussi pour Geoff Johns la possibilité de jouer une partition connue tout en effectuant une série de variations intéressantes et intrigantes. Comme Thomas Wayne qui utilise le Pingouin comme son aide de camp, une sorte d'Alfred 2.0. Un Pingouin qui est lui-même censé veiller sur le jeune fils de Harvey Dent, après la mort de ce dernier. Le gamin est élevé un peu comme un Robin potentiel, c'est-à-dire qu'on lui permet d'apprendre le maniement des armes et des explosifs, à un âge où normalement on se contente de fréquenter les réseaux sociaux. C'est aussi l'opportunité de retrouver le Superman de l'univers Flashpoint. Le héros a été longtemps retenu prisonnier d'un projet top secret du gouvernement où il a été éhontément exploité; on pourrait croire qu'il nourrirait alors un sentiment de revanche, au moment de sa libération, surtout lorsqu'il apprend que le peuple dont il est originaire, les Kryptoniens, n'ont pas tous disparu comment le suppose, mais au contraire semblent se diriger vers la terre pour une invasion programmée, dont il pourrait bien être la tête de pont. N'oublions pas non plus le Joker au féminin, c'est-à-dire Martha Wayne, jamais remis des drames vécus. Rien ne va se passer comme prévu et ce retour à Flashpoint est l'occasion de prolonger l'aventure et de mettre en lumière certaines zones d'ombres pas toujours bien éclairées de la saga. En plus, au niveau du dessin, Xermanico livre une prestation remarquable, qui ressemble même par endroit à une masterclass. C'est devenu un artiste au style très léché, qui n'a rien à envier aux plus grands noms travaillant actuellement pour la Distinguée Concurrence. Notons aussi des planches réalisées par Mikel Janin, qui n'a de toute façon plus rien à prouver. Alors oui, cette lecture pourrait déconcerter ceux qui ne connaissent pas grand-chose à l'univers parallèle originel de Flashpoint, mais pour les autres c'est un complément bien plus malin et pertinent que ce que nous pourrions attendre (avec quelques clins d'oeil méta-comics comme les allusions à la 5G avortée et le sens même des deux lettres DC). Une lecture qui globalement ne déçoit pas.