SIDEKICK : LE FAIRE VALOIR DE STRACZYNSKI ET MANDRAKE

Dans la bande-dessinée américaine, le sidekick a souvent un rôle aussi important que finalement secondaire. S'il assiste le héros principal et vit avec lui des aventures extraordinaires, il reste toujours son assistant, son affidé, son homme de confiance, dans le meilleur des cas son meilleur ami. Mais le side-kick a beau faire, s'il ne s'émancipe pas une bonne fois pour toutes (comme Dick Grayson devenu Nightwing) il est voué à toujours rester dans le cône d'ombre de la grandeur de son aîné. J.M.Straczynski s'empare de la chose pour en faire un des récits les mieux construits, les plus captivants, qu'il vous sera donné de lire sur ce sujet. Ici, le grand héros sans peur et sans reproche, c'est Red Cowl, le protecteur de Sol City. Jusqu'au jour où il est abattu lors d'une parade, dans une scène qui fait écho au destin de Jfk à Dallas. Flyboy (Barry Chase), le sidekick en question, se retrouve avec la cervelle de son mentor sur son costume, et un sentiment de vide, d'interrogation existentielle profonde, suite à ce meurtre inattendu. C'est le début d'une parabole descendante qui entraîne le jeune homme toujours plus bas dans l'échelle des valeurs humaines, jusqu'à accepter une fellation au détour d'une sombre ruelle, de la part d'une prostituée surprise en état de racolage. Flyboy n'a plus rien d'héroïque, et c'est un ancien héros paumé qui va taper à la porte de ses confrères encapés (Stracz évoque avec humour l'intégration aux grandes formations comme les Avengers ou la JLA), où il se fait finalement refouler. C'est que peu de monde le prend vraiment au sérieux, et ne voit en lui qu'un humble justicier costumé de troisième division, incapable de s'assumer réellement. Un sous-homme à super pouvoirs, jusque dans sa vie sentimentale, son rapport avec les femmes.


C'est la force du récit de Straczynski ; savoir appuyer là où ça fait mal, mettre en abîme les frustrations d'un jeune homme qui pensait, après avoir été adoubé par un des plus grands héros de la planète, pouvoir devenir à son tour source d'inspiration pour les autres, et connaître la gloire associée à ce statut particulier. Au lieu de cela, rien, ou si peu. Celle qu'il convoite ne répond pas à ses sentiments. Et Flyboy ne peut pas, bien entendu, prétendre mettre les mains sur l'ancienne partenaire de son mentor... Même trouver de l'argent n'est pas une sinécure. A sa mort Red Cowl n'a laissé derrière lui qu'une longue série de dettes, prenant ainsi le contrepied des Stark et Wayne multimilliardaires qui dépensent sans compter depuis des décennies, sans connaître la banqueroute. Ici, notre pauvre héros en est même réduit à faire du crowfunding, c'est à dire demander une participation pécuniaire des internautes, en échange de menus gadgets. Straczynski publie cette aventure (qui est présentée en deux volumes dans l'édition Vf chez Delcourt) sous le label Joe's Comics et nous prouve avec éloquence qu'un associé et un faire-valoir, c'est loin d'être la même chose! Tom Mandrake est aux dessins, et sans livrer des planches spectaculaires, il parvient à maintenir le rythme et sert le récit avec un trait assez réaliste et ombrageux qui contribue à entretenir la morosité du protagoniste. Je fais l'impasse sur le principal rebondissement du premier tome, à savoir la vérité derrière la mort de Red Cowl, et ce que cela implique vraiment pour son sidekick par la suite. Les histoires de trahison et de conspiration doivent être découvertes!







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