On a beau s'efforcer d'y croire, on ne peut pas toujours gagner, à tous les coups. Vient le jour de la défaite. Comme ce moment tragique où la planète s'embrase dans un gigantesque feu nucléaire, alors que tous les principaux héros de l'univers Dc tombent au champ de bataille, et ne parviennent pas à sauver ceux pour qui ils ont lutté leur existence durant. Le carnage. Fort heureusement, il ne s'agit là, au départ, que d'un rêve, que partagent les ennemis de la Justice League, de Black Manta au Riddler. Une vision utra réaliste qui les pousse à réfléchir sur ce qui va se produire, et l'inefficacité de leurs adversaires, quand arrivera le moment de préserver la planète. Dans l'ombre, Brainiac et Luthor sont encore en train de peaufiner un plan diabolique, qui va mettre à mal, peut-être comme jamais, l'entente et la santé des membres de la ligue de justice.
Et ça commence par Aquaman, qui a disparu de son foyer d'Atlantis, et que personne ne parvient à retrouver. Pour cause, le souverain est immobilisé, proie de Brainiac, qui lui ouvre la boite crânienne pour aller le trépaner, et apprendre certains secrets de son cerveau. De la chirurgie expéditive, qui glace le sang. Mais les autres héros tombent eux aussi comme des mouches. Même Superman, qui est froidement agressé par un groupe comprenant entre autres le Parasite et Bizarro, et mord la poussière, avant d'être sauvé (en larmes le Superman, impressionnant à voir) par Shazam, ou aussi Wonder Woman, horriblement défiguré par les griffes empoisonnées de Cheeta, et qui est de la sorte condamnée. Flash, pour ce qui le concerne, ne parvient plus à ralentir et sa super vitesse le consume, alors que Batman est infecté par des milliers de nano robots de Brainiac, qui ont font un pantin à la solde de l'ennemi. Autre scène marquante, Red Tornado qui s'arrache la tête dans le satellite de la Justice League, en orbite autour de la Terre. La déconfiture totale.
D'autant plus que dans le même temps, les vilains ne le semblent plus. Les bad guys de l'univers Dc ont décidé de se racheter une conduite, et ils multiplient leurs efforts dans des situations humanitaires impensables, offrant prothèses et remèdes miracles aux handicapés, ou faisant fleurir les déserts (Poison Ivy et Captain Cold s'en chargent). Le monde à l'envers.
Peut-on se racheter une conduite, après une vie entière passée à chérir le crime? Tous les héros vont-ils mourir, ou rester hors-jeu devant le drame qui se prépare, comme Green Lantern, habilement éloigné du champ des hostilités, perdu dans le non-espace et piégé dans son propre anneau? Justice, un gros pavé comprenant douze parties, est la version comics de ce qui ferait un excellent film pour Warner/Dc. Une super production qui rassemble la crème de cet univers narratif, avec une vraie histoire qui tient la route, et pousse tout le monde dans ses derniers retranchements. Du blockbuster, mais du bon. C'est Alex Ross et Jim Krueger qui ont tissé les fils de cette machination impitoyable, et le grand peintre joue des pinceaux pour illustrer l'histoire, se basant sur les dessins de Doug Braithwaite, capable à son tour de planches superbes, avec en fin de compte un réalisme et une attention aux détails les plus minutieux bluffantes. On a même un Shazam qui apparaît dans toute sa gloire, avec, croyez le ou non (allez vérifier) une virilité apparente sous le costume rouge, quand il vient aider Superman. Porter secours à l'air de lui faire plaisir.
Justice interroge aussi un aspect fondamental de l'action super-héroïque. Pourquoi des êtres avec de tels pouvoirs, voisins du divin, ne peuvent-ils faire mieux que de réagir et secourir en cas de crise grave, sans avoir la bienveillance et le réflexe d'améliorer le sort de l'humanité entre deux conflits? Pourquoi jeter le Joker en prison, ou stopper une invasion extra-terrestre, et ne pas se préoccuper des avancées scientifiques, guérir les infirmes, nourrir les affamés? Le héros est-il un tartufe, ou un égoïste aveugle? Ross et Krueger livrent là un récit qui mérite d'être lu et digéré par n'importe quel lecteur de comics, et chacun pourra se forger sa propre opinion, sur cette chute et rédemption de la Justice League, placée devant ses limites, ses contradictions, ses lacunes. C'est fichtrement beau. C'est chez Urban Comics en ces vacances estivales.
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