Au départ donc, il s'agit d'un western : nous sommes dans la région de l'Utah, en pleine période de la conquête de l'Ouest américain. Nous sommes aussi en plein drame et c'est la raison pour laquelle le récit va basculer assez rapidement dans un versant horrifique. C'est que la région est secouée par des crimes étranges et assez atroces. Le dernier en date est à attribuer à un petit gamin, qui a tiré à bout portant sur sa maîtresse, pendant l'école. Du coup, il faut un type à la hauteur pour enquêter et quoi de mieux que le Marshall William Holt ? Ce dernier est un habitué de la région puisqu'il y est déjà intervenu dans le passé, pour éliminer un tueur en série appeler Hyrum Tell. William est quelqu'un dont les méthodes sont assez expéditives et qui ne s'embarrasse pas des formes, quand vous lui êtes antipathique ou quand il n'a pas envie d'être là : il vous le fait comprendre assez rapidement. C'est aussi une personnalité célèbre puisque la plupart de ses grands exploits de marshall ont fait l'objet d'adaptations sous forme de romans à 4 sous. Il faut dire que le type est capable de soigner son image, puisqu'il endosse un masque, en réalité une sorte de foulard, qui lui donne un aspect sombre et sans pitié, lorsque l'instant le requiert. Bref, notre homme de loi se retrouve en mission dans la petite ville de Canary, là où se situe une vieille mine abandonnée, qui pourrait bien être la cause de tous ces mystères et de tous ces crimes. Pour l'aider dans sa tâche, nous découvrons aussi Edison Edwards, un géologue venu sur le terrain pour expérimenter ses théories et lui aussi, trouver une explication aux sinistres phénomènes.
Canary est écrit par Scott Snyder, dans le cadre de sa nouvelle étiquette Best Jackett Press. C’est-à-dire que les épisodes sont tout d’abord publiés sur Comixology, au format digital, avant de passer au papier chez Dark Horse (et en Vf uniquement chez Delcourt). Snyder, c’est un peu une variation sur le thème, un Mark Millar venu d’un autre univers. Il partage avec le démiurge écossais cette faculté à dégainer des pitchs qui retiennent très vite l’attention du lecteur, tout en recyclant des éléments qui appartiennent déjà à la pop culture mondiale. Mais là où Millar reste linéaire, voire même simpliste (ce n’est pas forcément un mal, par ailleurs) pour tendre vers la résolution de son intrigue, Snyder prétend sortir toute une série de lapins du chapeau, complexifier les enjeux à coups de science fiction ou de rebondissements souvent complexes, et qui finissent par perdre le lecteur le moins aguerri. Ici aussi, lorsque nos héros descendent dans la mine et vont se confronter avec la réalité de la menace, ce qui justifie l’existence de toute la mini série, on finit par se retrouver face à face avec des réminiscences familiales issues du passé de William, et des créatures monstrueuses et fantastiques dont on ne saisit jamais réellement et pleinement la nature. Tant que Canary suit de près ses personnages et joue avant tout sur la tension narrative et le non-dit, c’est une belle réussite. Les deux derniers épisodes sont beaucoup plus confus et viennent ternir l’impression d’ensemble. On admirera sans retenue le travail de Dan Panosian, absolument parfait quand il s’agit de donner des effets bruts à une histoire, de présenter des visages marqués, expressifs, des paysages sauvages et austères. Il a pris une dimension folle et ses planches sont désormais d’une classe évidente. Snyder nous plaît aussi quand il tente de mettre en scène son géologue noir, qui permet d’aborder furtivement le sujet du racisme, sans enfoncer une porte ouverte, par allusions. Il se contente du service minimum par contre, avec la jolie Mabel, fille de celui qui pourrait bien être responsable de toute la tragédie en cours à Canary (et ancien exploitant de la mine). Un album à demi réussi qui ne creuse pas ses idées de façon cohérente et choisit une fuite en avant dans l’horreur et le mystique, qui ressemble un peu à de la facilité. Dommage.
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