TEENAGE MUTANT NINJA TURTLES : THE LAST RONIN CHEZ HI COMICS


 Les meilleures choses ont une fin. Les Tortues Ninja semblaient éternelles, mais la réalité est bien plus cruelle. Faisons un bon en avant dans le futur et retrouvons une ville de New York post apocalyptique, socialement et technologiquement organisée en plusieurs couches, de manière à ce que les plus nantis surplombent le chaos des plus pauvres. Une cité déshumanisée et fascisante où règne sans partage le clan Foot, avec un sa tête le petit-fils de Shredder. Notre histoire commence avec le dernier survivant, le Last Ronin, à savoir Michelangelo, seule de nos quatre tortues à avoir échappé au drame terrible qui a vu l'implosion de l'univers des TMNT. Vous souhaitez des détails sur la manière dont les trois autres sont mortes, sur ce qui a pu se produire pour en arriver là, et bien il vous suffira de lire, car des nombreux flashback viennent expliquer au lecteur tout ce qui a pu se produire et lui permettent de faire la jonction entre ce que nous avons l'habitude de rencontrer, et cette histoire hautement différente, particulièrement amère et poignante, où il est question d'une vengeance, d'une dernière mission qui s'apparente de toute manière à une forme de suicide. Michelangelo y converse continuellement avec les ombres de ses amis défunts. D'entrée de jeu, il se rend à la tour où réside son grand ennemi, dans le but de se débarrasser de l'adversaire, qui cela dit en passant aurait tout de même pu être représenté avec un charisme plus prononcé. Lais l'assaut est un échec patent et non seulement le héros ne parvient pas à trucider celui qu'il était venu châtié, mais en plus, il est victime d'une terrible chute qui en temps normal l'aurait probablement laissé pour mort. Il va être soigné et recueilli dans les tunnels de la ville (là où autrefois se trouvaient les appartements des Tortues Ninja) par April, la journaliste que les fans des Tortues connaissent bien. Elles aussi a vécu des drames, elle a vieilli et a désormais une fille, qui va pouvoir apporter son aide à notre malheureux Ronin. Il y a vraiment un côté poisseux à ce récit, quelque chose de terrible de voir ce que sont devenus ces personnages qui semblent tous s'embarquer pour un ultime round. 


Et là, vous allez me demander : oui, mais moi qui ne suit habituellement pas les Tortues Ninja chez Hi Comics (vous avez tort, au passage, les 18 très bons tomes déjà publiés n'attendent que vous), vais-je y comprendre quelque chose? Ou encore, ces personnages, ce ne serait pas de la bande dessinée pour cours préparatoire première année, gros maximum? Première réponse, oui, même un novice de passage, pour peu qu'il sache qui sont les Turtles grâce (même vaguement) au dessin animé célébrissime, ne perdra rien de l'essentiel de cet ouvrage. Certes, un peu de connaissance renforce le pathos et l'affection, mais ce n'est pas du tout indispensable. Ensuite, pas du tout. C'est d'ailleurs un terrible lieu commun dont souffre ce titre, depuis bien longtemps. Il y a bien plus de profondeur dans l'univers des Tortues que dans nombre de séries mainstream chez Marvel ou DC Comics, et ici il s'agit d'une histoire plus "adulte" et sombre que d'habitude, une sorte de "Dark Turtle returns", qui ne laisse pas indifférent. Tel un drame shakespearien où seule la mort peut couronner une haine atavique, la rivalité entre les clans Hamato et Foot connaît une fin crépusculaire, que vous auriez tort de bouder. Kevin Eastman et Peter Laird, accompagnés de Tom Waltz, sont les scénaristes d'un récit qui unit alors la tradition, les esprits derrière ce monde qui a connu depuis la gloire mondiale, à une forme de continuité à succès, qui fait les beaux jours de HI Comics. Qui nous offre un joli cadeau de fin d'année, avec un contenant qui s'adapte au contenu, et s'avère très réussi, dès la couverture qu'il est agréable de caresser (pas que des yeux), sans oublier des bonus fournis et pertinents. Esau et Issac Escorza soignent le show au dessin, en ne négligeant pas de truffer leurs planches de nombreux détails; ils savent faire exploser l'action, vite et fort au besoin, sur le modèle de ce qu'est la philosophie du maître Splinter, dont on découvre également le tragique destin. Antonio Delgago joue avec expertise des couleurs, modifie les teintes et la lumière en fonction de la chronologie du récit, qui rembobine souvent les enjeux pour clarifier ce que nous sommes en train de lire. Un très bel hommage à la mythologie TMNT que ce Last Ronin, qui n'oublie pas non plus les trois autres ninjas, dont le caractère et la personnalité se reflètent dans ces moments où le seul survivant converse avec lui-même, avec ses amis et frères tombés au champ d'honneur. On hésite entre la tristesse insondable de la solitude, et la poésie de la résilience et du souvenir, malgré tout. Par moments, c'est vraiment, vraiment beau, et il y a fort à parier que vous ne serez point déçus!  




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