L'univers du White Knight, c'est la réécriture la plus récente et réussie du quotidien de Batman, qui nous a été proposé ces dernières années. Sean Murphy est parvenu non seulement à imaginer quelque chose de nouveau et pertinent, mais en plus, il a su le mettre en images avec un talent dingue. Et puis, comme toujours, à force de creuser, le risque est de tarir la veine. Le dernier album avait pourtant montré qu'il restait encore des choses à dire, avec l'apparition du Batman Beyond. Le nouveau tome est par contre beaucoup plus décevant et un peu brouillon. Il s'agit de s'intéresser aux deux enfants qu'a eu le Joker (Jack Napier) avec Harley Quinn, avant que celle-ci ne le quitte et ne finisse par épouser Bruce Wayne. Dans cet univers inédit, le Joker a fini par se racheter et il est mort. Néanmoins, les deux gamins peuvent continuer à parler à leur père et même apprendre à le connaître (car jusqu'ici ce n'était pas le cas) grâce à un hologramme, qu'ils peuvent faire apparaître et disparaître, contenu dans un mécanisme fabriqué à partir de vapeurs de cobalt (je ne suis pas ingénieur, ne m'en demander pas plus). Ce n'est pas le Joker avec qui ils échangent, c'est bel et bien Jack, un homme qui a conscience que son identité de clown criminel a semé le mal autour de lui et l'a privé d'un rapport normal, comme devrait l'être celui d'un père avec sa progéniture. Les enfants, de leur côté, commencent à manifester une certaine indépendance et sont difficiles à gérer. On avait déjà constaté cela dans l'aventure précédente, avec Jacklyn, la fille, et ça se confirme aujourd'hui puisqu'ils décident de ne plus écouter leur mère, et au contraire, de partir en virée avec leur père hologramme, pour s'en aller découvrir l'œuvre de ce dernier et percer à jour quelques-uns de ses secrets. Et Bruce Wayne, dans tout cela ? Il se contente d'occuper une place de second rôle, là où dans la galerie des personnages principaux nous allons trouver aussi celle qui se faisait appeler Neo-Joker (et qui est désormais baptisée Riot) ainsi que poison Ivy et d'autres vilains habituels du monde de Batman, qui vont se succéder, comme Double Face ou encore Mister Freeze.
Si le concept de départ et les grandes lignes sont évidemment décidés ou validés par Sean Murphy, le scénario est en réalité écrit par katana Collins (romancière et épouse de l'artiste) et Clay McCormack. Le problème est qu'il y a plusieurs intrigues qui se superposent et l'ensemble manque peut-être un peu d'unité et de cohérence. Même chose pour les personnages secondaires, comme l'agent Prince ou bien le détective Stewart. Vous avez bien sûr compris de qui il s'agit. Ils apparaissent uniquement sous forme de gimmicks, mais n'apportent strictement rien à l'histoire. Une histoire d'ailleurs qui ne souhaite pas choisir entre la comédie adolescente à outrance et le véritable récit super-héroïque à enjeux et sérieux. On passe alors de confidences touchantes à des rebondissements totalement improbables, qui finissent par déconcerter (ou lasser). Le dessin aussi est à prendre en compte dans cette optique. Mirka Andolfo est une excellente artiste, que personnellement j'apprécie beaucoup, mais elle est d'autant plus remarquable quand on lui laisse la possibilité d'exprimer toute la rondeur de son trait, alors qu'ici, elle doit également se fondre dans l'esthétique initiale, celle de Murphy et Scalera par exemple, à laquelle on associe l'univers du White Knight. Côté expressions et sentiments qui s'expriment sur les visages des personnages, c'est très réussi; par contre, la lisibilité des planches et les moments plus tragiques souffrent parfois de cette adaptation forcée pour correspondre à la "série". Peut-être que j'attendais trop de ce nouveau volet des aventures du Batman inédit de Murphy; toujours est-il qu'il est incontestablement le moins réussi de tout ce qui à été publié à ce jour.
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