Petit, franchement laid, le nez allongé en forme de bec, tuba et frac en guise de panoplie, et armé d'un parapluie couteau-suisse. Tel apparait le Pingouin, ce personnage crée en 1941 par Bob Kane et Bill Finger, et héros ces dernières semaines d'une mini série en cinq volets chez Dc. Aussi bien pour l'approche réaliste du scénario que pour la réalisation graphique, elle n'est pas sans évoquer le graphic novel dédié au Joker, en 2005, par Azzarello et Bermejo. Gregg Hurwitz parvient à dersser un portait psychologique approfondi d'Oswald Chesterfield Copplebot sans en devenir lourd pour autant. L'enfance bien difficile du nabot, ses relations avec les autres garçons qui le malmènent, y compris ses frères, pour son aspect particulier, et les brimades du père, le rapport plutôt morbide avec la mère, tout est ici exploité avec intelligence, à travers les flash-backs qui déroulent sous forme de didascalies introspectives. Il est finalement compréhensible (mais pas justifiable) que le Pingouin, depuis sa boite privée l’Iceberg Lounge, organise son petit théâtre personnel et criminel, à la recherche de la respectabilité et de l'admiration de ses semblables, et où il peut aisément briser celui qui ose le regarder et le prendre de haut. Toute l'histoire tourne ici autour d'un vol de diamants et de la relation entre Copplebot et la belle Cassandra, une aveugle, qui ne peut donc le juger sur l'aspect esthétique, mais s'attache un peu plus au fond (tiens, ça me fait penser à la love-story entre La Chose et Alicia Masters, pendant que nous y sommes). Batman entre lui aussi en action. Un Batman que son adversaire conçoit comme l'exemple patent ce ceux qu'il déteste et combat. Dommage que le plan final, conçu par le Pingouin, soit un peu trop proche de ce qu'on a pu voir au cinéma, et fasse perdre à la trame un peu de son réalisme chèrement gagné. On admirera par contre les dessins de Kudranski (déjà à l'oeuvre sur Spawn) qui fait preuve d'une minutie, d'une attention aux détails, quasi photographique, et utilise le clair-obscur avec dextérité et talent. Les couleurs de John Kalisz y sont aussi pour quelque chose. C'est grâce à lui que l'atmosphère semble aussi lugubre et froide, que les images semblent nous parvenir au delà d'une mince couche de brouillard, que les flash-backs sont restitués comme sur de vieilles pellicules jaunies ou en noir et blanc. Bref, du bon travail. L'occasion de rendre un peu de son prestige à ce criminel parfois grotesque, qui gagne ici en profondeur, dans une oeuvre que nous pourrions pratiquement qualifier de Penguin Year One. Un travail attachant et artistiquement brillant, qu'Urban Comics se devra de nous proposer dans quelques mois, pour le plus grand plaisir de tous les fans de Batman. Une des meilleures mini liées au Bat-Universe que j'ai pu lire ces dernières années.
Rating : OOOOO