L'heure est venue d'achever l'année 1987 pour ce qui concerne Superman. Bien entendu, le nom sur toutes les lèvres reste celui de John Byrne, mais c'est avec le scénariste Marv Wolfman et le titre Adventures of Superman que nous allons commencer cette petite chronique. Le fait est que ce qu'il écrit est profondément différent des histoires classiques de super-héros dotés d'extraordinaires pouvoirs. Son regard plonge dans la fange et la misère. Metropolis a beau être une ville qui conjugue technologie et modernisme, elle présente aussi un quartier sombre, un endroit où il ne fait clairement pas bon vivre, que l'on appelle Suicide Slum. Les habitants les moins nantis peinent à y survivre, entre criminalité et absence de perspective. Les jeunes sont les plus touchés et il n'y a rien de surprenant à les voir s'associer en bandes puis être manipulés par Lex Luthor, qui entend les utiliser comme matériau génétique pour ses expériences. Il y a aussi du bon là-bas, comme par exemple un assistant social du nom de Jose Delgado, qui fait de son mieux pour sortir certains de ces paumés de l'impasse. Il s'occupe en particulier du fils de Perry White, le directeur du Daily Planet, quotidien où travaillent Clark Kent et Lois Lane. Le gamin s'est mis dans de sales draps et le moment est arrivé pour lui de choisir entre les affres de la délinquance et le retour dans le droit chemin. Delgado va d'ailleurs peu à peu évoluer, au point de devenir une sorte de justicier urbain (Gangbuster). Illustrés par Jerry Ordway pour la plupart, ces épisodes sont l'héritage des années Reagan et de cette période où il devenait quasiment impossible de traverser certaines zones dans les grandes villes américaines, sans y laisser des plumes. Ce gros volume de fin 1987 propose aussi deux annuals assez intéressants, qui donnent l'occasion de lire un Superman qui affronte une créature extraterrestre, débarquée sur Terre pour soumettre et assimiler (entendez par là, détruire) tout un village. Notre héros va être obligé d'opérer un choix cornélien qui s'apparente à du suicide assisté ! Un autre long épisode, dessiné par Arthur Adams, met aux prises Superman avec des vampires et confirme que tout ce qui a trait à la magie n'est pas franchement du goût du kryptonien. Heureusement que Batman est là pour lui prêter main-forte…
Et puis donc, John Byrne. Le Canadien continue de tenir le rythme avec pas moins de deux séries mensuelles à produire, à savoir Superman et Action Comics où il est la plupart question de duos, de guest stars qui viennent le temps d'un ou deux épisodes s'associer à l'Homme de demain. Plutôt que de vous présenter une litanie de faits et de résumés succincts des épisodes, je préfère mettre l'accent sur un point qui me semble intéressant : l'usage des héroïnes ou tout simplement des femmes dans les épisodes de Byrne. Quel que soit le contexte, il est toujours question de l'élément féminin, confronté à Superman ou à Clark Kent. Que ce soit lorsqu'on nous présente la première femme dont il est tombé amoureux (Lori Lemaris) mais qui s'est révélée être au final une sirène (Clark a quand même mis bien du temps pour s'en rendre compte, on peut imaginer que le flirt n'est pas allé très loin) ou lorsque c'est le triangle amoureux Kent-Lane-Grant qui est mis en évidence, notamment quand la célèbre journaliste (je veux dire Lois) est invitée par un superbe Apollon (à condition bien sûr d'aimer le style des années 1980) qui lui retourne la tête et l'hypnotise. Certes, il s'agit en fait d'un gnome issu d'une autre dimension (Mister Mxyzptlk) qui pose bien des problèmes à Superman, ce dernier étant obligé de le pousser à prononcer ou écrire son nom à l'envers s'il veut le renvoyer là d'où il vient (personnellement, je n'arrive pas à le dire à voix haute, à l'endroit) avant une prochaine incursion sur notre plan d'existence, au bout de 90 jours. Byrne s'amuse également beaucoup avec Big Barda, qui est la femme de Mister Miracle, rappelons-le. Un autre extraterrestre en provenance de la planète de Darkseid est un bon prétexte pour laver le cerveau de la splendide et sculpturale créature, qui se retrouve dans une chambre d'hôtel sordide avec Superman (qui a subi le même sort) pour filmer une petite vidéo amateure coquine. L'histoire ne nous dira jamais si les deux "acteurs" sont allés au bout et s'il existe vraiment des images choquantes. En tous les cas, suffisamment pour que Mister Miracle s'offusque lorsqu'on lui présente une première "performance". Le scénariste canadien assiste également beaucoup sur le caractère mauvais et manipulateur de Lex Luthor, qui lui aussi utilise les femmes à sa convenance. Il les manipule et les abandonne de manière abjecte, quand elles ne sont plus d'aucune utilité à ses projets. Il est en outre capable d'envoyer des robots à l'effigie de Superman en ville. Tout le monde s'imagine qu'il s'agit du vrai, tandis que la créature est dotée d'une sorte d'ogive nucléaire prête à exploser à l'intérieur de la poitrine. Superman parvient à sauver la situation et il faut beaucoup de crédulité pour accepter qu'ensuite Luthor ne soit pas plus inquiété que cela ! C'est aussi une des marques de fabrique de ces épisodes de fin de décennie : on ne s'attarde pas trop sur les conséquences réelles et les comparaisons avec le monde tel que nous le connaissons. Ici, il s'agit de fiction, d'outrance, de personnage bigger than life et pour profiter de ces numéros, il ne faut pas confondre la vie, la vraie, ou l'art. Reste à mentionner pour finir de très nombreuses pages de rédactionnel, qui viennent compléter admirablement l'album, contextualiser les faits ou bien reproduire le courrier des lecteurs d'alors. Il n'y a pas à dire, cette collection d'Urban Comics est vraiment incontournable.
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