Retour aux sources mêmes du mythe, avec la réédition du premier volume de l'intégrale de Spider-Man. Le tisseur a cinquante ans, et il est donc logique que ça se fête dignement. L'occasion de replonger tête la première dans des aventures archi connues des fans, mais qui font toujours leur bel effet nostalgie. Stan Le et Steve Ditko accouchent d'une véritable légende populaire, d'un héros si proche de ses lecteurs adolescents, un nerd timide et à lunettes, un perdant qui fait tapisserie dans son lycée et ignore encore tout du mystère féminin. Jusqu'à ce qu'une exposition scientifique, et la morsure d'une araignée radioactive, ne change à jamais son destin et son métabolisme, principalement. Bien entendu, le pouvoir corrompt et finit par faire tourner les têtes, mais le jeune Peter apprend une dure leçon avec le décès de son oncle (il est orphelin, donc pour lui Ben est en fait comme son père), assassiné par un cambrioleur à deux sous, qu'il aurait pu arrêter si facilement, sans une seule goutte de sueur, avec ses nouveaux dons. Exit l'égoïsme, place au plus grand sentiment de culpabilité de l'histoire des comic-books. Le garçon change, s'enferme dans sa chambre, se cache de sa tante (qui survit à coups de médocs, d'où la continuelle recherche de l'argent nécessaire pour se les procurer. Les américains n'ont pas la CMU et leur système de santé est féroce) et il s'agite fébrilement, finissant par produire de longs jets gluants, témoins et symboles de sa nouvelle identité. Derrière ces allusions clairement masturbatoires, c'est Spider-Man qui se forge et s'invente. Une araignée, ce n'était pas gagné, un insecte repoussant, enfin bon! Et pourtant, cinquante ans plus tard, me voilà en train de revenir sur ses épisodes pionniers. Le pari est gagné, haut la main.
Quand on devient un héros, on se fait des ennemis. Ceux de Spider-Man semblent tout droit sortis d'une ménagerie, ils sont loufoques, improbables, pas si dangereux que ça d'ailleurs quand on les retrouve, un demi-siècle plus tard, et qu'on juge leur nocivité avec des critères modernes, où le sang, les bombes et la cruauté ont envahi les pages de nos Bd et forcément, nos esprits de lecteurs effrayés. Un vieillard s'affuble d'ailes et d'un costume vert criard, et voilà le Vautour qui plane sur la ville (tu vas prendre froid, papy!). Un savant fou est victime de ses expériences, et le voilà soudé à un harnais tentaculaire, prêt à détruire la ville (Octopus, le bien nommé). Et ce n'est pas tout. Chez Spidey, un homme peut aussi se transformer en un lézard! Ou bien devenir un monticule de sable en mouvement, insaisissable. Et puis parfois des pointures s'en mêlent, comme le Doctor Doom, à coté duquel le jeune Peter fait un peu pâle figure. Le tout est saupoudré d'histoire à l'eau de rose, d'amours juvéniles contrariés, d'hésitations et de frustrations collégiennes. Car le secret ne doit pas être éventé, et Parker reste, aux yeux de tous (et des filles surtout) un rat de bibliothèque, qui connaît l'orgasme uniquement en faisant joujou avec des éprouvettes. Mais un fait est établi, 50 ans après, Spider-Man est encore et toujours sur le devant de la scène. Et ça vaut bien cette édition de luxe, avec coffret collector, pages bonus, sous forme de séance de rattrapage pour les rares lecteurs qui n'ont pas encore lu ces aventures mythiques. Ceux qui ont suivi les vicissitudes du tisseur de toile en 2011 retrouveront quasiment tous ces méchants vilains relookés et dynamisés, dans leur version originale et ingénue. Si on reconnaît la solidité d'une construction à ses fondations, gageons que Lee et Ditko sont de véritables architectes de génie.
Rating : OOOOO