La France aussi a de formidables talents. J'en veux encore la preuve ce samedi avec l'interview de Paul Renaud, que les lecteurs de comics connaissent désormais particulièrement bien, pour avoir suivi ses oeuvres, des Uncanny Avengers à Sam Wilson : Captain America, en passant par une myriade de fort jolies couvertures ou d'autres bonnes choses comme The Shield, Fear Agent, ou Cavewoman. Paul se donne aussi fort à faire à Toulouse avec l'organisation du TGS (Toulouse Game Show) auquel nous n'avons pu nous rendre au printemps, mais dont nous ne manquerons pour rien au monde la prochaine édition.
A l'occasion de la toute récente PCE à Paris, nous sommes allés rendre visite à Paul Renaud pour quelques questions/réponses avec un artiste aussi talentueux que disponible et sympathique. Debriefing de ces vingt minutes ensemble, où on apprend que bosser pour Marvel, finalement, c'est bien plus cool que ce que les haters voudraient trop souvent faire croire.
Bonjour Paul. Si je ne m'abuse, tout comme moi tu appartiens à la génération qui a découvert les comics avec Strange, Spécial Strange etc...comment t-es venue cette passion?
J'ai commencé à lire des bandes dessinées comme Tintin et puis mes cousins de Nice m'ont fait découvrir les premiers albums des Quatre Fantastiques... ça a été un choc! Ensuite il y a eu les X-Men, là j'ai vraiment été mordu. En fait j'ai eu surtout envie de raconter des histoires, avant le réel plaisir de dessiner en soi.
Quand est arrivé le jour où tu as vraiment compris que ça pouvait le faire?
En fait je me suis vite rendu compte que je n'avais pas envie de faire autre chose. On se ment souvent en pensant qu'on va faire autre chose, que ce n'est pas très grave... Ce qui s'est passé c'est que vers 18 ans j'ai rencontré d'autres amis dessinateurs avec qui nous avons fait un fanzine à Toulouse. J'ai rejoint l'équipe et j'ai fait des bandes dessinées en amateur, c'est comme ça que tout a vraiment commencé. J'ai vu ce que ça voulait dire que d'être professionnel et je me suis dit : pourquoi pas!
Oui il y en aurait plusieurs... il y aurait un américain puisque mes dessins ont été montré en ligne, c'est Frank Cho, un auteur très connu, qui les a montrés à un éditeur pour une série qui s'appelle Cavewoman, et de fil en aiguille...
Quel est le travail dans tu es le plus fier aujourd'hui, qui est le plus représentatif de ce que tu sais le mieux faire, et il y en a-t-il d'autres dont tu n'es pas très fier et que tu as fait juste comme de simples commandes?
Il y en a beaucoup plus dans la seconde catégorie! Tout ce que j'ai pu faire pour l'éditeur Dynamite a été fait dans la douleur, par exemple. J'ai fait énormément de couvertures pour eux. Ce que j'ai fait pour eux je me suis vraiment forcé de le faire, inversement tout pour Marvel s'est très bien passé, ils sont très respectueux et soucieux de me proposer des choses qui pouvait m'intéresser, des Uncanny Avengers au Shield, tout ce qu'on m'a proposé c'était un peu un rêve. Et aujourd'hui c'est Captain America qui me comble le plus, c'est la première fois que j'aime vraiment autant l'histoire. Sam Wilson en tant que Capitain America, au départ j'étais réticent car pas convaincu, puis Nick Spencer est arrivé sur la série, et j'ai adoré l'esprit, car il a intégré le rejet des fans, fait des choses très drôles... on a parlé directement, il m'a demandé ce que j'aimerais faire... c'est un scénariste avec qui j'aime vraiment travailler.
Tu n'es pas un fils des années 90... quand on regarde tes personnages on pense à des artistes des années 80 comme John Byrne ou Alan Davis par exemple... comment définirais-tu ton style?
C'est bien vu! Byrne évidemment, Alan Davis énormément... ça ne se voit peut-être pas autant mais celui qui m'a le plus influencé c'est Paul Smith, qui a dessiné les X-Men dans les années 80.
Ce n'est pourtant pas celui qui a dessiné le plus les X-Men...
Non il n'est pas pas resté très longtemps, mais moi l'élégance dans ses positions, la narration, c'est vraiment le dessinateur que j'adorais! Et comme je fais de nombreuses couvertures, Frank Frazetta en tant qu'illustrateur, dans ce domaine. Le coté héroïque, très classique, me vient de Frazetta.
On a déjà du te le demander souvent, quels sont les rapports qui te lient avec Rick Remender?
Avec Rick on s'est connu avant qu'il soit connu, il débutait avec la série Fear Agent, et il a contacté toute une nouvelle génération, comme Jerome Opena, Rafael Albuquerque, Matteo Scalera, plein d'autres, ça nous a tous soudé autour de cette personnalité très forte. Avoir fait une histoire pour Fear Agent m'a fait remarqué chez Marvel, et je suis quelqu'un de très fidèle. Du coup même si je n'ai pas toujours pu dire oui tout le temps (j'ai du refusé Low, dessiné par Tocchini) on a pu faire quand même Uncanny Avengers, Captain America, un autre projet avorté...
Tu as du faire plus d'une cinquantaine de couvertures pour Vampirella, celles que tu disais avoir fait dans la douleur... On pourrait penser à tort que c'est simple, de dessiner une couverture. Pourquoi est-ce si particulier?
Dans une série comme Vampirella, on n'a pas de scénario du tout, pas d'histoire, que ce qu'est le personnage. Et donc au bout d'un moment, quand on a fait du gothique, la Lune, des crânes, des chauve-souris, on tourne en rond...on a une belle plante, mais c'est à devenir fou. J'ai livré un nombre incalculable de couvertures, j'ai honte... je faisais jusqu'à sept covers par mois (pour Tarzan, Vampirella, Dejha Thoris...) pour essayer de sortir d'un contrat avec Dynamite. Du coup c'était très difficile de pouvoir apporter qualité et fraîcheur, alors quand je les vois passer en signatures...
Aujourd'hui lire des comics, en écrire ou dessiner, c'est être "cool". Idem avec les films, au cinéma. Que penses-tu de ce phénomène, et notamment des critiques au dernier Batman V Superman, si tu l'as vu?
C'est une bonne chose que les films sortant. en tant que dessinateur, quand tu dis que tu bosses sur Captain America, tout le monde sait ce que c'est! C'est plus facile d'expliquer ce qu'on fait dans la vie, tout le monde sait que ce ne sont pas des personnages idiots, alors qu'avant on passait pour des attardés... c'est plutôt marrant. Quand aux réactions des gens, tout ça est très extrême, j'ai l'impression que c'est prendre position pour prendre position. Je n'ai pas encore vu Batman V Superman, mais je n'ai pas très apprécié Man of Steel. Mais je suis content que ces films soient faits, prendre position, c'est quand même un peu immature.
Avec tout cela, les artistes comme toi, vous n'êtes pas un peu les rockstars de demain?
Ce seraient plus les acteurs. Je pense que même les personnes qui apportent des sandwichs aux acteurs sont plus des rockstars que les dessinateurs.
Marvel cette année nous promet du All-New All-Different. Est-il possible, après plus de 50 ans d'histoires, de respecter cette promesse?
Euh non, je pense que non! Mais bon, ça a toujours été l'illusion du changement, Marvel. Aujourd'hui à l'ère d'Internet il faut communiquer plus, c'est pour cela qu'ils créent ce genre de choses. Il faut impacter l'esprit des gens, qu'ils comprennent que tout peut arriver, comme un nouveau Captain America, Thor devient une femme... et aussi qu'ils comprennent que Marvel n'est pas soumis aux films, et peut dire "on fait encore ce qu'on veut".
Et si tu devais te confier une série, un personnage, pour obtenir du "Paul Renaud au top", que te confierais-tu? Pas du Vampirella ...
Non! J'ai toujours été fier d'être éclectique. C'est pour ça que souvent on fait appel à moi, je peux aussi bien dessiner sur Star Wars, que Tarzan, ou Captain America... ou Vampirella. C'est un business, c'est très important de toujours travailler. Maintenant si j'étais editor chez Marvel ... l'avantage c'est que je connais très bien leur histoire, j'étais un gros lecteur avant, et je suis très respectueux des personnages...c'est pour ça que j'aime bien travailler avec Tom Brevoort, une sorte de gardien de la mémoire chez Marvel...il me fait confiance, il sait que même sur les designs plus modernes, j'aime garder la tradition.
Mais bon, je pense que le space-opera me convient plus. J'ai un dessin un peu plus distant -ça vient de Paul Smith je pense - il y a une forme d'élégance qui crée une petite distance, l'accessibilité en est autants réduite, mais ça me rend plus adapté à des sagas spatiales, du X-Men, des choses comme ça, plutôt que le Punisher ou Daredevil.
Si tu pouvais récupérer des pouvoirs, un costume, ce serait quel genre de pouvoirs? Du cosmique? Une arme à feu?
Pas d'arme à feu, ça c'est sur. Ah oui peut-être du cosmique, dans l'idée Superman c'est tentant, il a tellement de pouvoirs...c'est de la triche! Pouvoir voler, aller dans l'espace, des choses comme ça...ça m'irait bien.
Une dernière question. Imaginons que le Paul Renaud d'aujourd'hui parvienne à communiquer avec le Paul Renaud adolescent, de quinze ans. Que pourrais-tu te dire, à toi-même, sur la vie en général?
C'est compliqué... A la base ça c'est plutôt bien passé alors je je voudrais rien changer. Peut-être me dire : tu vas voir, tu vas être copain avec Arthur Adams! J'ai eu l'occasion de lui faire visiter Toulouse, je l'ai invité au TGS, et me retrouver dans les endroits, le lycée où j'étais, caché en train de lire ses comics... lui faire visiter ces endroits là, ça m'a fait un flashback incroyable, c'était très fort. Une grande fierté, que d'être ami avec des gens comme Alan Davis, Arthur Adams, des géants qui m'ont tellement fait rêver étant gamin. Apprendre à Alan Davis à faire des choses sur Photoshop, c'est un cadeau que je fais à l'enfant que j'étais.
Un très très grand merci à Paul Renaud. Un vrai plaisir et un privilège pour moi d'avoir eu l'occasion de réaliser cet entretien à Paris, durant la dernière PCE.
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Pour ceux qui le souhaitent (et cela malgré un son de mauvaise facture) je vous laisse aussi la vidéo de l'interview.