Je me souviens des discussions il y a quelques années, avec des lecteurs blasés qui étaient convaincus que Spawn, c'était terminé, du passé, de l'histoire ancienne, un débris des années 1990. Et puis Todd McFarlane a décidé de reprendre sérieusement les choses en main et son univers n'en finit plus de s'étendre ! C'est ainsi que de toutes les nouvelles séries qui sont nées ces derniers mois, celle du Gunslinger Spawn est probablement la plus cool. La raison est simple : quand il s'agit de dessiner un personnage, de donner une identité graphique aux monstres et aux héros de l'univers de Spawn, le grand Todd a toujours une bonne carte à jouer. Le Pistoléro est extrêmement charismatique, il a un look d'enfer et en plus il fait partie de cette catégorie de personnages hors de leur époque, qui donc doivent découvrir la nôtre, ce qui permet de mettre en scène des situations assez cocasses, comme lorsque le "héros" se met ici à défourailler contre des écrans d'ordinateur, en pensant qu'il s'agit réellement d'ennemis qui lui font face. Javi (de son vrai nom) est un personnage animé par la vengeance. Il a comme mission principale de dessouder les tristes sires qui sont responsables du meurtre de sa sœur, dans un lointain passé, mais aussi de retourner chez lui (ou plutôt à son époque) et d'ailleurs, le temps qu'on y est, un peu de temps avant le drame, de manière à changer le cours des choses. Mais ce n'est pas le genre de croisade qu'il va pouvoir faire tout seul : il a besoin de Al Simmons, autrement dit le véritable Spawn de départ, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux n'ont pas l'air d'être extrêmement amicaux l'un envers l'autre. Seconde invitée de prestige dans ce tome 2, Miss Spawn, qui elle aussi bénéficie d'un traitement graphique magnifique, aussi bien lorsqu'elle est en son costume nécrotique que dans ses habits civils.
Jessica Priest possède son propre agenda. Elle est d'ailleurs fort occupée avec la création d'une formation composée de plusieurs personnages aux pouvoirs similaires, une sorte de "Spawns all-stars" dont elle est la figure de proue. Le Gunslinger va se joindre à cette équipe et il va connaître une grande aventure en Russie, celle qui est relatée dans le détail, dans le premier tome de… Scorched, une des deux autres séries récentes que Delcourt alterne en librairie. Comme quoi, nous sommes bien en présence d'un univers partagé, et les trois titres nouveau-nés s'alimentent l'un l'autre et se répondent. Globalement, ce second volume du Gunslinger résume les enjeux et orchestre des retrouvailles sanglantes entre des responsables du meurtre commis au dix-neuvième siècle, et notre ancien cowboy désormais doté de pouvoirs infernaux. On le sent souvent moins puissant que le Spawn de référence, mais sa détermination et sa sauvagerie forcent le respect. Une parenthèse est aussi réservée à un combat à mains nues entre Al Simmons et Javi, histoire de prouver qui est le mâle Alpha du duo et d'instaurer un minimum de complicité, à grands coups de bourre pif dans le visage. Brett Booth illustre l'ensemble, dans la plus grande tradition des années 1990. Des monstres sanguinolents, des armes un peu partout, des poses iconiques ou affriolantes, les courbes généreuses de jolis personnages féminins, le menu est passé en revue sans rien oublier; le pire étant que Brett est excellent, au pinacle de son art, pour ceux qui sont sensibles à ce style précis. On pourra certes rétorquer que les douze premiers épisodes (nous en sommes là à l'issue du tome 2) n'ont pas fait avancer le récit à vitesse grand V, mais par contre, on nage totalement dans ce qui a fait le succès des séries "Spawn" et dans des ambiances rétro qui trouvent toujours un fort écho dans la génération des lecteurs quadras/quinquas. Bonus en couverture, du Paul Renaud en forme olympique.