ANIMOSITY : LES ANIMAUX SE REVEILLENT AVEC MARGUERITE BENNETT (SNORGLEUX COMICS)

Nul besoin d'épouser entièrement la cause animale pour comprendre et admettre que le genre humain n'est pas toujours très tendre avec ses amis à cornes, becs ou poils en tout genre. Les animaux ne sont pas des jouets ni une ressource naturelle inépuisable, mais trop souvent nous excusons des comportements et des actes ignobles par notre prétendue supériorité, née d'un pouce opposable et d'un cerveau surdéveloppé par la position debout, et des siècles passés à chercher les moyens de s'auto détruire mutuellement, en faisant sauter la planète. Alors Marguerite Bennett leur donne la parole, tout simplement. Et les dote, en un instant, sans crier garde, de la capacité de comprendre pleinement ce qui leur arrive, et donc de réagir, entre haine féroce, rebellion, ou tendresse. Les animaux s'humanisent, se mettent à parler, deviennent alors nos égaux en terme de communication et de sensibilité, de la vache qui s'apprête à être euthanasiée, aux pandas désespèrés. Nous suivons, lors de ce changement radical et inexpliqué, la vie banale d'un couple, dont la petite fille Jesse possède un gros chien répondant au nom de Sandor. C'est le grand amour entre ces deux-là, et tant mieux, car lorsque les oiseaux passent à l'attaque, et qu'il faut défendre la fillette de la menace d'un grand tigre qui vient de dévorer son geôlier, le toutou fait montre de pas mal de ressources. 
En fait, le monde connaît un tournant radical. Les animaux devenant conscients de leur situation, il faut dorénavant partager la planète, entre des espèces qui n'ont que peu en commun, et se pose le problème épineux de la nourriture. Autrefois celle-ci était en grande partie obtenue en massacrant allégrement, et la viande considérée comme beaucoup comme la pierre angulaire d'un régime alimentaire dépassé. Avec le nouvel ordre qui s'installe, les humains doivent réapprendre la survie, ce qui passe par des actes de violence, des compromissions (ne plus se reproduire pour ne pas rendre la Terre surpeuplée et invivable) et un sentiment d'apocalypse imminent. Du reste au fur et à mesure que le temps passe, l'enfer s'installe...

L'action avance vite, par sauts, par bonds temporels narratifs, et peut-être est-ce là la limite du scénario de Bennett. Par exemple, les réactions du père de Jesse, désireux de protéger sa fille, et finissant par s'en prendre lui-même au fidèle Sandor, sont exagérées, mal explicitées, et on aurait souhaité voir le glissement s'opérer plus lentement, de façon plus crédible et subtil. Par contre ce qui est bien vu, c'est d'évoluer dans des zones de gris en permanence. Il n'y a pas de méchants humains et de gentils animaux qui se font face, mais des traîtres et des nécessiteux dans les deux camps, qui agissent avant tout pour des motifs personnels, et en vue de la survie. Bien entendu, il y a un petit parfum de Walking Dead dans Animosity, ce genre de récit narrant la fin de notre société, son éclatement impromptue, étant une des grandes habitudes de ces dernières années. Mais ici le pitch de départ est si évident et lumineux que l'idée même de feuilleter cet album devrait séduire y compris celles et ceux qui en temps normal sont insensibles à la cause des comic-books. Comme je suis du genre à pinailler et m'interroger, je me demande tout de même comment les animaux peuvent ainsi mettre en échec les humains, juste en prenant conscience de leurs existences? Un tigre ou un loup, voilà des prédateurs dangereux, pour autant, avec quatre pattes et l'incapacité physique de se servir d'armes (et pourtant on voit des animaux se balader avec des grenades ou des fusils), que peuvent-il faire de plus que de mordre ou déchiqueter? 
Rafael De la Torre assure de son coté un travail plaisant, qui donne l'impression de privilégier l'action, le mouvement, avec un trait nerveux, mais élégant. On ne l'envie pas, quand on voit les planches mettant en présence tout un aréopage d'animaux, mais il s'en sort vraiment bien, aussi bien pour ces derniers, que pour les personnages "humains" de son histoire. 
Un fort capital sympathie pour cet Animosity paru chez Snorgleux (qui avait bénéficié d'un splendide preview lors du dernier free comic book day en vf), une histoire fédératrice qui va intéresser pas mal de monde, soyez-en certains, mais qui présente aussi un gros nombre de défauts pratiques et narratifs, dès lors qu'on creuse sous les apparences. 


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