Comme vous le savez, cela fait des décennies que DC Comics jongle avec l'existence des Terres parallèles; un coup elles apparaissent, un coup elles disparaissent, une autre fois leur nombre est rigoureusement circonscrit, à un autre moment tout est à nouveau possible, vers l'infini et au-delà. Actuellement, c'est plutôt cette version qui est retenue par l'éditeur. Mais il pourrait bien ne rester que le néant, les grandes ténèbres, dans quelques mois, si les machinations qui se trament aboutissent. Mais revenons au départ : à chaque fois qu'un événement d'importance cosmique va frapper et bouleverser le monde des super-héros DC Comics, l'épopée qui se charge de raconter les événements est appelé Crisis (une crise). Ici, la crise est d'autant plus importante que l'intégralité de la Justice League semble avoir été désintégrée lors d'un combat contre Paria. Oui, ce même personnage qui est au centre des événements de Crisis on Infinite Earths, le récit phare de la moitié des années 1980. Il s'agit de comprendre comment le monde va pouvoir se relever et digérer la perte de ses plus grands défenseurs, et surtout à quel mauvais moment ! Certains refusent d'y croire, ou en tous les cas se montrent assez philosophes, comme Nightwing, qui a déjà connu plusieurs fois la perte de son mentor Bruce Wayne. D'autres, comme Jon Kent, le fils de Superman, sont beaucoup plus moroses ou enclins à prendre la relève, à moins que ce ne soit Black Adam, seul survivant et témoin de l'anéantissement de la Justice League, qui mène les héros et leur insuffle des méthodes plus expéditives qu'à l'accoutumée. C'est que tous les super vilains de la planète ne comptent pas rester en vacances, au contraire, et cela vaut notamment pour les moins connus parmi eux, les petits calibres, qui se rangent sous la houlette de Deathstroke, pour attaquer la tour des Titans et mettre la pâtée à tous ceux qui y résident ou s'entraînent. Si vous avez suivi les événements (la conclusion récente) de Shadow Wars, vous savez que le mercenaire sans pitié a été ressuscité dans un puits de Lazare, mais qu'il a été visité en cette même occasion par les Ténèbres qui se servent de lui comme d'un instrument pour arriver à leur fin. Les pions sont sur la table, une bien sombre partie peut s'engager, sous la supervision de Joshua Williamson.
Comme bien souvent avec ce genre d'histoire, on se prend à regretter l'époque naïve où nous lisions sans éprouver le besoin de tout décortiquer, pour ensuite présenter un papier, à livrer à de futurs lecteurs qui le parcourront distraitement. Non, en fait, il faut savoir continuer à rêver et à prendre ce qui vient pour ce dont il s'agit vraiment, de l'Aventure avec un grand A. C'est ainsi que nous partons à la recherche de Barry Allen, qui reste, comme toujours dans ce type de "Crisis", l'électron libre. Lui n'a pas disparu avec la Justice League, il était déjà sorti de scène quelques temps avant, perdu quelque part dans l'immensité des mondes parallèles. Sauf que cette fois Mister Terrific a mis au point une sonde qui lui permet d'affirmer avec certitude que notre Barry à nous se trouve bien dans l'un des trois univers potentiellement identifiés comme étant son refuge actuel. Du coup, ce premier volume propose aussi quelques épisodes de la série régulière The Flash (mais aussi Justice League #75, donc) où les collègues et la famille du héros partent à sa recherche, divisés en petits groupes. Urban Comics a en effet fait le choix de présenter Dark Crisis de manière assez complète, en incluant entre chaque épisode de la série mère tous les récits qui permettent d'en apprécier les tenants et les aboutissants, que ce soit donc les tie-in ou bien encore les numéros spéciaux, comme les deux que nous trouvons à la fin du présent volume et qui sont consacrés à Superman et Green lantern. Deux petites histoires que nous avons beaucoup apprécié et qui prouvent qu'en réalité, il est possible de se débarrasser d'un super-héros autrement qu'en le tuant; tout simplement en lui proposant une autre existence, une où tous ses désirs les plus secrets seraient comblés, où il n'aurait plus besoin de se sacrifier éternellement dans la lutte du bien contre le mal, où il pourrait vraiment trouver la paix. C'est tentant, non ? Au tiers du parcours, nous nous trouvons face à quelque chose d'intrigant, du vrai cosmique potentiellement dévastateur, illustré avec beaucoup de talent, principalement par un Daniel Sampere qui est devenu, sans crier garde, un des artistes les plus fiables de toute l'écurie DC Comics. Dans la trempe d'un Marco Santucci ou d'un Jorge Jimenez, il fait aujourd'hui partie de cette génération qui maîtrise à perfection les codes du mainstream et parvient à sortir une vingtaine de planches par mois, sans jamais accuser la moindre baisse de régime. Évitons donc de faire l'erreur de vouloir absolument comparer cette nouvelle épopée à ce qui a été écrit dans les années 1980, évitons alors de faire la fine bouche et de toujours afficher cette moue blasée de celui qui a déjà lu à peu près tout et ne peut plus être surpris, concentrons-nous sur le plaisir immédiat et les promesses qui sont contenues dans ce premier tome, et alors vous le verrez vous aussi, Dark Crisis (on Infinite Earths) a de bonnes raisons de figurer sur votre liste d'achat prioritaire du début d'année.